Dernier billet sur le sommet de Washington, où l'on parle de capacités, de smart defense, et d'une conclusion générale. (autres billets : 1, 2 et 3)
Les capacités constituent une question récurrente de l’Alliance. Cela fait en effet plus de dix ans que l’Alliance multiplie les initiatives capacitaires : Initiative sur les capacités de défense de Washington (1999), Engagement capacitaire de Prague (2002), Directive politique globale (2006). Sans grand succès, il faut bien en convenir, car il s’agissait toujours de solutions au sempiternel problème du partage du fardeau (burden sharing) qui traverse l’alliance depuis les années 1960.
En février 2011, le secrétaire général propose ainsi une « défense intelligente » (smart defense). La smart defense annonce trois principes : priorisation, coopération et spécialisation. La priorisation vise à se concentrer sur les « capacités » les plus indispensables à la défense. On devine là la prévention contre de nouvelles menaces, même si ce n’est pas dit expressément, et donc un prisme technologique qui n’est pas anodin. La coopération n’est pas nouvelle : il s’agit comme autrefois d’affirmer qu’à plusieurs, on fait plus et mieux que tout seul. Enfin, la spécialisation constitue la vraie nouveauté, puisqu’il s’agit de permettre aux nations de se concentrer sur certains segments, ce qui suppose, on l’aura compris, une vraie confiance mutuelle. Le processus est congruent (à la fois concurrent et complémentaire) de l’initiative de mutualisation et de partage (pooling and sharing) lancée, à peu près en même temps, par l’Union européenne et son Agence européenne de défense (AED).
A Lisbonne, une dizaine de projets ont été annoncés : Interface universelle d’armements, Robots de déminage, Pool d’avions de patrouille maritime, Stocks multinationaux de munitions, Centre de formation multinational de l’aviation, Mise en commun de modules de santé, Logistique pour le ravitaillement en fuel, Maintenance des véhicules blindés, Groupe de spécialistes déployables : on le voit, rien de vraiment sensationnel.
On s’attardera en revanche sur le projet de Reconnaissance, surveillance et renseignement conjoint (Joint Intelligence, Surveillance and Reconnaissance – JISR). L’objectif est de renforcer la coopération entre les instruments nationaux et de l’OTAN (comme les AWACS et l’AGS ), des programmes communs de formation et d’éducation pour les spécialistes du renseignement. Le projet est conduit par la France et les USA. Il s’agit bien sûr d’une des leçons apprises du conflit en Libye, mais on peut y voir deux autres significations : d’une part, que le projet soit conduit par Paris et Washington illustre la confiance des Etats-Unis envers la France, sur cette question sensible du renseignement. D’autre part, ce projet est à relier au projet AGS (surveillance aérienne de l’espace terrestre) qui a été adopté par l’Alliance mais sans la participation de la France. De façon subtile et diplomatique, le projet JISR affiche la bonne entente franco-américaine qui n’est pas ternie par le différend sur l’AGS.
En conclusion, on remarquera qu’il n’y a pas de grands développements de politique internationale : la brièveté du paragraphe sur la Syrie illustre la réticence de l’Alliance sur la question. La question de l’élargissement est évoquée de manière convenue. Enfin, la grande politique de partenariat, qui était sensée illustrer la nouvelle mission de « sécurité coopérative » énoncée par le concept stratégique, ne donne pas lieu à de grandes avancées.
Le sommet de Chicago a été sous contrôle, sans laisser transparaître les difficultés stratégiques du moment, sur l’avenir du modèle expéditionnaire, sur le recentrage géographique de l’alliance, sur les priorités budgétaires de défense. L’Otan confirme son rôle de boite à outil pratique, mais elle ne semble plus être au cœur des préoccupations. Elle n’est pas un problème, elle peut encore être une solution.
O. Kempf