La famille est évidemment l'enjeu majeur de la société contemporaine sur lequel insiste régulièrement et à juste titre le pape. La famille fondée sur un homme et une femme est structurante non seulement pour l'être humain mais plus largement pour la société. "Votre amour est fécond avant tout pour vous-mêmes, parce que vous désirez et vous réalisez le bien l’un de l’autre, expérimentant la joie de recevoir et de donner. Il est aussi fécond dans la procréation, généreuse et responsable, des enfants, dans l’attention prévenante pour eux et dans leur éducation attentive et sage. Il est fécond enfin pour la société, car votre vécu familial est la première et irremplaçable école des vertus sociales telles que le respect des personnes, la gratuité, la confiance, la responsabilité, la solidarité, la coopération." Etonnemment, alors que nous vivons depuis quelques années maintenant une crise fondamentale que la famille pourrait aider à surmonter, celle-ci est tout au contraire sous-estimée voire attaquée.
Le psychothérapeute Thierry Janssen qui propose, dans son dernier livre Le Défi positif, une réflexion sur les clés du bonheur fait une analyse critique de notre vision moderne du bonheur qui s'appuie uniquement sur le bien-être matériel. Cette vision issue de la Révolution française oublie la part essentielle jouée par la vertu. Le bonheur est le travail d'une vie et la cellule familiale, "école des vertus sociales", en est la clef.
Les législatives à venir et les élections qui suivront deviennent donc angoissantes mais pleines d'espérance. Elles sont des moments privilégiés pour rappeler cette vérité fondamentale qu'il n'y a pas "différents types de familles" comme le déclare notre nouvelle ministre Dominique Bertinotti dont le premier tweet après sa nomination fut le dangereux "je préfère dire "les familles" que "la famille" car les formes de famille ont évolué: familles monoparentales, homoparentales, recomposées." Il est bien-sûr difficile de mener à bien notre projet familial tel que nous le souhaiterions; nous sommes aussi parfois confrontés à nos limites. Mais nos limites ne peuvent bousculer notre anthropologie fondée sur une complémentarité dans l'altérité; nos limites ne peuvent nous faire oublier notre besoin de confiance et d'amour gratuit et altruiste qui sont au coeur du mariage; nos limites ne peuvent devenir une banalité. Proposons au contraire à nos concitoyens un projet exigeant, un modèle merveilleux, un chemin qui élève.
Le travail est l'autre sujet d'actualité.La crise a démontré l'urgence d'une remise en ordre de nos priorités. A l'image de la famille, l'économie est également fondée sur une anthropologie. La personne humaine doit retrouver sa place centrale dans notre économie, dans nos entreprises, dans notre vie active. Nous ne travaillons pas pour récolter un profit maximum de nos compétences mais pour mettre nos talents au service de la transformation du monde, par le travail, la science et la technique. "L’homme et la femme sont images de Dieu aussi dans cette œuvre précieuse qu’ils doivent accomplir avec le même amour que le Créateur." (Benoit XVI)
Cela étant précisé, nous pouvons remarquer les dérives. La spéculation, les rémunérations excessives, le manque de vision des entreprises, l'oubli du Bien Commun, la mauvaise gestion publique et bien d'autres écueils nous choquent. Attention cependant à ne pas passer d'un égoïsme à un autre égoïsme. La stigmatisation de certains riches est une jalousie facile qui permet trop souvent d'éviter le vrai sujet, celui de notre métanoia (conversion) personnelle. Ce n'est pas l'autre ni le système qui doit changer, ou pas seulement; c'est nous. Nous qui consommons de manière excessive, nous qui oublions l'indispensable gratuité, nous qui préférons notre intérêt individuel au Bien Commun. Nous qui spéculons, boursicotons. Nous qui réclamons des droits à la retraite, des avantages en tout genre. La Doctrine Sociale de l'Eglise professe que le travail anoblit l'Homme et le rend digne. Le travail est source de créativité, de relation, de charité. Cela peut sembler étonnant à certains drapeaux rouges mais il est temps de sortir d'un monde de welfare et de plaisir pour entrer dans un monde de charité, d'amour et de création.
La fête est le complément subtil du diptyque famille/travail. Le père de San Antonio, Frédéric Dard, priait avec humour "notre Père que votre volonté soit fête". Ce n'est certainement pas la reine Elizabeth II d'Angleterre qui contredira Benoit XVI sur le sujet, elle qui fête ces jours-ci avec un faste simple et beau son jubilée de diamant. Elle ne contredirait d'ailleurs pas non plus les deux premiers thèmes. Sa famille a connu des épreuves et des déceptions mais a toujours été importante pour la reine qui déclara un jour humblement : "like all the best families, we have our share of eccentricities, of impetuous and wayward youngsters and of family disagreements." Quant au travail, elle est une des personnes en responsabilité qui a le mieux compris, peut-être jusqu'à l'extrême, l'essence de sa vocation : "I cannot lead you into battle. I do not give you laws or administer justice but I can do something else - I can give my heart and my devotion to these old islands and to all the peoples of our brotherhood of nations." C'est ainsi que la reine rend aujourd'hui visible la complémentarité des trois dimensions mises en avant par Benoit XVI : famille, travail et fête.
La fête n'est pas seulement l'orgie étudiante; elle est ce temps sublime du repos. Le temps du dimanche pour les chrétiens, le temps de la rencontre avec Dieu, le temps de l'amour, le temps de la famille. Evoquer la fête, c'est rappeler que le temps a un sens. Rappeler que le travail n'est pas tout et que nous devons poser nos smartphones. Rappeler que le plaisir personnel n'est pas tout et que nous devons nous tourner vers les autres. La fête, c'est la communion entre les hommes qui commence au coeur de la famille pour pouvoir ensuite rayonner dans toute l'humanité. La fête, c'est la mise en lumière que la vertu n'est pas l'ennui mais au contraire l'épanouissement. La fête, c'est cette espérance qui est tout le contraire du ressentiment.
Eveillons-nous. Famille, travail, fête, nous faisons face à des questions incontournables. Quelle société voulons-nous? Voulons-nous une société qui propose un épanouissement familial, qui parle d'amour plutôt que de plaisir, qui remette la personne humaine au coeur de la société, qui fasse la fête et soit heureuse en collectivité? Si la réponse est oui, il va falloir nous bouger sérieusement...