Pierre-Marie-François BAOUR-LORMIAN : Dieu

Par Unpeudetao

Qu’il est puissant cet Être, architecte des mondes,
Qui, peuplant du chaos les ténèbres fécondes,
Fit éclore le jour, fit bouillonner les mers,
Alluma le soleil, dessina l’univers ;
Et de ces astres l’or roulant dans leur carrière,
Prodigua sous ses pieds la brillante poussière !

Où commence, où finit le travail de ses mains ?
Vers quels lieux inconnus des fragiles humains,
De la création accomplissant l’ouvrage,
A-t-il dit aux esprits qui lui rendent hommage :
« Enfants du Ciel, ici s’arrêtent mes travaux ;
» Je n’enfanterai plus de prodiges nouveaux ! »

Nuit, de tant de trésors sage dépositaire,
Qui portes dans ton sein le monde planétaire,
Dis-moi, ne puis-je voir le Monarque éternel
Assis dans son repos auguste et solennel ?
Et vous, au char du pôle étoiles attelées ;
Toi, brillant Orion ; vous, Pléiades voilées,
Où faut-il diriger mes pas et mon ardeur,
Pour contempler ce Dieu dans toute sa splendeur ?
Mais en vain chaque nuit mon zèle vous implore ;
Dans ces lieux qu’embellit une éternelle aurore.
Vous voyez votre maître, et ne trahissez pas
Le secret de l’enceinte où s’impriment ses pas.

Faut-il donc s’étonner qu’aux jours de l’ignorance,
Ces astres, qui des dieux offrent la ressemblance,
Aient usurpé l’encens des crédules mortels ?
Le sage dans son cœur leur dresse des autels,
Et, contemplant du ciel la majesté suprême,
Au milieu de la nuit se demande à lui-même :
« Quel art dut présider à ce dôme éclatant,
» Sur un fleuve d’azur sans orage flottant ?
» Rien dans tous ses rapports n’annonce l’indigence :
» La sagesse, le choix, l’ordre, l’intelligence,
» Savamment confondus, brillent de toutes parts ;
» Un seul lien unit tant de mondes épars.
» Ô surprise ! tandis qu’un mouvement rapide
» Les emporte à travers cet océan limpide,
» Que tout part, va, revient, se balance, s’étend,
» Roule, vole, et se suit dans un ordre constant,
» Quel silence profond règne sur la nature !
» Quelle main de ces corps élève la stature ?
» Quel invisible bras, par la force conduit,
» Sema d’or et de feu les déserts de la nuit,
» De ces astres roulants étendit la surface,
» Et versa leurs rayons au milieu de l’espace,
» Plus nombreux mille fois que les sables des mers,
» Les perles du matin ; les flocons des hivers,
» Et tous ces flots qu’au sein des villes consumées
» Promène l’incendie aux ailes enflammées ?
» C’est en vain que l’impie ose élever la voix
» Et dépouiller encor l’Éternel de ses droits.
» Oui, la religion est fille d’Uranie ;
» Tout d’un Dieu créateur atteste le génie :
» Il est sans doute un chef qui sous ses pavillons
» De ce peuple étoilé range les bataillons.
» Guerriers du Tout-Puissant, ministres de sa gloire,
» Leurs mains à ses drapeaux attachent la victoire.
» Quel œil pourrait les suivre en leur brillant essor ?
» Des casques de rubis pressent leurs cheveux d’or ;
» De saphirs immortels rayonne leur armure :
» Leurs rangs aériens, sans trouble, sans murmure,
» S’étendent par milliers dans l’éther radieux,
» Et veillent en silence à la garde des cieux ! »
Et l’homme incessamment témoin de ces spectacles,
Pour croire à l’Éternel demande des miracles !
Des miracles ! ingrat, contemple l’univers.

Pierre-Marie-François BAOUR-LORMIAN (1770-1854).

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