M-wallet : l'un disparaît, l'autre naît

Publié le 03 juin 2012 par Patriceb @cestpasmonidee
Dans la riche actualité du paiement sur mobile, la semaine écoulée a connu une intéressante coïncidence (à distance), sur le terrain des solutions P2P (de personne à personne) : MasterCard annonçait la fin prochaine de son service MoneySend au moment même où Lemon Way lançait officiellement son offre.
A ses débuts il y a deux ans, MoneySend faisait partie des premières initiatives de son genre parmi les grands acteurs internationaux du paiement. Sous la forme d'une application pour smartphone, elle proposait aux particuliers (ainsi qu'aux artisans et autres fournisseurs de services) de réaliser simplement des échanges d'argent via leur carte MasterCard.
Visiblement, la sauce n'a pas pris : tandis que le service tombait progressivement dans l'oubli, la compagnie annonce sur sa page d'accueil sa fermeture le 1er septembre prochain, en prétendant rétro-activement qu'il ne s'agissait que d'une démonstration. La nouvelle me semble importante car il s'agit (je crois) du premier aveu d'échec d'une grande institution financière dans le secteur. Il est vrai que MasterCard a récemment dévoilé un nouveau projet (PayPass Wallet), mais sa cible (le commerce en ligne) est résolument différente.

Les raisons de ce revers sont certainement multiples et complexes mais la leçon est claire : il n'est pas aisé de séduire les consommateurs avec un porte-monnaie mobile et il aurait fallu beaucoup plus d'agilité de la part de MasterCard pour identifier les attentes de ses utilisateurs et ajuster son offre en conséquence. Au lieu de quoi, MoneySend n'a jamais évolué et est resté confidentiel.
Après l'arrêt de Nokia Money, l'annonce est aussi une mauvaise nouvelle de plus pour Obopay, le fournisseur de la technologie sous-jacente. Après avoir conquis de grands noms, la startup se retrouve aujourd'hui de plus en plus isolée et il ne lui restera bientôt plus que ses partenariats avec Société Générale en Afrique (par exemple dans Yoban'Tel) pour survivre.
Pendant ce temps, donc, le français Lemon Way lance officiellement son porte-monnaie sur mobile, à base de pur compte virtuel, dont la toute première itération n'est disponible qu'en mode web mobile (l'application pour iPhone est vraisemblablement en attente d'approbation par Apple) et ne propose de réaliser que des paiements P2P.
Cette dernière limitation est ici liée aux exigences réglementaires : le service est pour l'instant opéré sous un label de "démarcheur" du belge Tunz (la gestion des fonds déposés étant assurée par Crédit Mutuel Arkea) et Lemon Way est en attente d'un agrément d'établissement de paiement pour aller plus loin. Son objectif est cependant bien d'étendre sa couverture, notamment au commerce, en ligne et de proximité.

Au vu des difficultés que rencontrent les acteurs plus importants dans le paiement sur mobile, il est difficile d'être très optimiste pour une initiative telle que celle de Lemon Way, même avec son agilité de petite entreprise. Le défi est d'autant plus ambitieux dans un marché français où Kwixo (en France) dispose de moyens marketing difficiles à égaler et où le gouvernement pousse vers une solution interbancaire (qui n'est cependant pas à mon avis, une menace à court terme).
Malgré tout, la société a quelques arguments à défendre, dont en particulier son modèle économique, original et astucieux. Ainsi, pour les particuliers, les 10 premières alimentations de compte inférieures à 20 euros seront gratuites mais les suivantes donneront lieu au prélèvement d'une commission de 3%. Si les consommateurs acceptent ce principe, cela peut constituer une source de revenus pour Lemon Way, tout en incitant à développer, viralement, l'usage du service pour permettre son fonctionnement en boucle fermée (et éviter autant que possible le besoin de réaliser des virements). Pour les commerçants, selon les tarifs affichés à ce jour, les paiements seraient entièrement gratuits (une véritable révolution !) et ce sont les services complémentaires de "relation client" qui seraient facturés.
Quel que soit son avenir, l'arrivée d'un nouvel acteur sur le marché français est une excellente nouvelle pour évaluer les préférences de nos compatriotes en matière de paiement sur mobile, entre (en gros) une solution proposée par une banque (Kwixo), un poids lourd historique américain (PayPal) et une société locale indépendante (Lemon Way), qui affiche de plus ses engagements éthiques et durables. Car si les options sont pléthoriques aux États-Unis, l'hexagone n'a pas (encore) la chance d'offrir une telle diversité de choix...