Eugène HOLLANDE : Prière moderne

Par Unpeudetao

(À Henry Bérenger).

Rouges encens évaporés sur les ciels pâles ;
Vitraux de pourpre et d’or barrés de rameaux noirs ;
Autels aériens, mouvantes cathédrales,
Soleils couchants, mystique apparence des soirs ;
Robes de lin, au fond des bois, le long des sentes,
Et, sur le fleuve dont les eaux sont frémissantes,
Cortège virginal des vapeurs bleuissantes :
Voici qu’est descendu le ciel, à l’horizon,
Sous le regard éclos d’une étoile : ô mon âme,
Souviens-toi, pour Celui que le silence acclame,
De garder et l’encens et la pourpre et la flamme,
Jusqu’à ce qu’ait jailli l’astrale floraison !

Tragiques feux irradiés de tes prunelles ;
Rythme sourd de ton pas somnambule, ô Paris !
Aspect mystérieux de tes formes réelles ;
Gestes de l’action dont le rêve est épris ;
Foule qui roule, blanche et noire, par les rues,
Laissant au souvenir, d’heure en heure décrues,
De vagues visions des têtes disparues ;
Scène du monde où l’Héroïne est la Douleur !
Sur le masque du fou, sur la face du sage,
Partout j’ai reconnu son effrayant passage :
Dans l’humaine cohue elle a seule un visage,
Le reste est sans regard, sans traits et sans couleur–

Puisse à tous et toujours ton éclatant symbole,
Ô soir, se révéler dans la double beauté
Du ciel, où la Pensée à l’Idéal s’envole,
Et du sol, où le coeur est du Réel tenté !
Que l’attrait soit égal, car l’objet est le même :
Sur la montagne ou sur la croix, splendide ou blême,
Fils de l’humble Marie ou du Juge Suprême ;
La même majesté dans le Christ apparaît ;
Tel, dans les yeux souffrants de la foule qui passe
Et dans la tête radieuse de l’espace,
Là, Douleur et Labeur, ici, Repos et Grâce,
Aux coeurs épris de lui Dieu se décèlerait.

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