L'erreur fondamentale de Sarkozy

Publié le 03 juin 2012 par Omelette Seizeoeufs
 

Il y a eu des tentatives pour attribuer la défaite de Nicolas Sarkozy non à un quelconque rejet de la droite, mais à sa personne ou à son style. Comme si la seule chose qui pouvait sauver Sarkozy, en tant que force politique et idéologique, était finalement l'antisarkozysme, celui du fameux "microcosme" qui s'est étrangement démultiplié pour faire basculer son score en dessous de 50 %.

J'ai déjà essayé de répondre à cette manipulation. Aujourd'hui, je me mets dans l'hypothèse – celle des "sarkozystes réalistes" – qu'il y aurait un certain nombre de "réformes" qu'il faire dans l'économie française et que la mission du Sarkozy élu en 2007 était de les réaliser. Le thème d'une "modernisation de la France" a attiré, en 2007, beaucoup d'électeurs pas férocement à droite. Chacun a sa petite idée sur les inefficacités de l'État ; en promettant de les réaliser toutes, Sarkozy a créé une certaine attente…

 

Admettons que c'était pour cela que Sarkozy était élu. "Ensemble, tout devient…" C'était la joie, l'harmonie retrouvée, la joyeuse marche vers la croissance libérée des vieilleries françaises et des perversions économiques créées par cinquante ans de gouvernements et de Présidents de gauche.

Et pourtant, il y a eu un problème. Aujourd'hui, Bruxelles nous dit que les "réformes" était timorées et insuffisantes. Même libérée, la croissance a décidé de rester tranquillement se rendormir dans sa cage. Les riches continuaient de fuire vers la Suisse. Et le Sarkozy de 2012 n'avait presque plus d'idées de "réforme", tout juste quelques bidouilles pour occuper les chômeurs, et quelques fonctionnaires pour statuer sur la religion des steack hâchés. Plus personne n'imaginait un Sarkozy triomphant, terrassant les ennemis de la croissance.

Qu'est-ce qui s'est passé ?

La bonne réponse n'est pas : "Fouquet's", "yacht de Bolloré" ou l'auto-avancement salarial, ni même "pov'con". Le problème n'est que Sarkozy est devenu en 2008 subitement imbuvable pour une majorité de français.

En fait, il y a eu deux problèmes bien plus profonds. D'une part, sous prétexte de procéder à des "réformes essentielles", Nicolas Sarkozy a souhaité réaliser la grande victoire de la droite sur la gauche. C'est-à-dire : la victoire du MEDEF contre les syndicats, la quasi déstruction des 35 heures, et ainsi de suite. Il s'agissait de briser la logique sociale de l'état providence qui avait, malgré tout, fait l'objet d'un consensus, certes instable, entre la droite et la gauche depuis des décennies. La chasse aux fainéants, c'était ça.

L'autre problème, c'était le siphonnage du Front National. Obligé électoralement de conduire une politique d'extrême droite sur certains sujets (immigration, propagande identitaire), Sarkozy mettait le curseur symbolique très à droite, et très loin d'un consensus. Tout espoire d'"unité nationale" était alors impossible.

En voulant donner la victoire à son clan socio-économique et remercier (et préserver) ses soutiens xénophobes, Sarkozy ne pouvait pas être l'homme du Grand Bond en Avant. Si les "réformes" étaient modestes, timorées (aux yeux de la droite et des pouvoirs de l'argent) et globalement inefficaces, avec un quotient contenu-bruit assez faible, les symboles étaient toujours forts : à commencer par le chèque pour Liliane Bettencourt estampillé "paquet fiscal".

La volonté de signifier cette victoire idéologique (on allait effacer mai 68, il me semble ; plus de nouvelles depuis) a pris dessus l'efficacité politique, ou plutôt il n'y a eu jamais de séparation : la France devait aller vers le paradis capitaliste tout en s'essuyant les pieds sur tout ce qui ressemblait à du socialisme. C'était en tout la leçon, le message écrit dans les symboles.

 

Même si Sarkozy n'était pas mystérieusement habité par ce désir d'humilier l'adversaire historique de la droite, il aurait été obligé d'endosser un rôle sembable de toute façon, car il avait une grosse dette envers la xénophobie, et cela, tout seul, l'empêchait définitivement d'occuper une position consensuelle, voire - mais il faudrait y réfléchir un peu plus encore - d'occuper une position progressiste, même avec une définition du progrès fabriquée par le MEDEF. En tous les cas, il n'y a pas de séparation entre Sarkozy le xénophobe et Sarkozy le libéral : ce ne sont que différentes facettes d'un même comabat.

L'erreur fondamentale de Sarkozy, c'est d'avoir voulu être tout cela à la fois : le progrès, la réaction et la haine.