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Le Mali : un pays en crise à l'avenir incertain

Publié le 01 juin 2012 par Gregorykudish

Le Mali : un pays en crise à l'avenir incertain

Crédit photo : Orionist


Il est un exemple de démocratie et de bonne gouvernance pour l’ensemble du continent africain. Le Mali, pays de 15 millions d’habitants enclavé dans l’Afrique occidentale, est aujourd’hui aux prises avec une crise politique existentielle, dont l’issue est incertaine. Depuis le déclenchement le 17 janvier dernier de l’insurrection touarègue opposant l’armée malienne aux rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, le Mali fait face à une instabilité politique importante, dont les effets s’étendent par-delà ses frontières nationales.
Dès le mois d’octobre 2011, des rebelles touaregs ont rejoint le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), mouvement séparatiste dont la mission est l’établissement d’un territoire indépendant au nord du Mali. Le 17 janvier 2012, des combattants du MNLA attaquent des bases militaires maliennes situées dans le nord du pays et prennent le contrôle de trois villes majeures en quelques jours : Kidal, Gao et Tombouctou.
Désemparés devant la situation au nord, des militaires du sud, sous la gouverne du capitaine Amadou Sanogo, mènent un coup d’État le 22 mars et renversent le président Amadou Toumani Touré. La junte militaire a qualifié ce coup d’État de solution de rechange au gouvernement Touré, selon elle incapable de fournir suffisamment d’armes pour combattre l’insurrection touarègue du nord. Or, selon toute vraisemblance, ce coup militaire a contribué à éliminer toute légitimité politique du pouvoir à Bamako. Qui plus est, il a divisé l’armée malienne entre le camp appuyant le coup d’État et celui s’y opposant, tout en s’attirant des sanctions économiques de la communauté internationale.
Une crise identitaire ?
Selon Marie-Joëlle Zahar, professeure au département de science politique à l’Université de Montréal et spécialiste en résolution des conflits civils, les Touaregs ont pendant longtemps été abandonnés par l’État malien. « Les Touaregs ont été abandonnés historiquement. La région touarègue a très mal été reliée au reste du Mali, notamment en raison du faible nombre d’infrastructures ». La rébellion touarègue est-elle le symptôme d’une crise identitaire ? Pour Mme Zahar, l’insurrection touarègue relève davantage d’un problème de sous-développement. « C’est un peu comme le nord du Canada par rapport au reste du pays. Au Mali, et particulièrement au nord, le service et le développement ont souffert. Certains Maliens du nord peuvent passer une vie sans jamais entrer en contact avec l’État. Mais ce problème a été reconnu trop tard », soutient-elle.
Oumar Konate, citoyen canadien originaire du Mali, dément lui aussi le caractère identitaire de l’insurrection malienne. « La population malienne ne sera jamais d’accord avec une division territoriale. Le Mali est un véritable melting-pot. Il n’y a pas de tensions interethniques, comme au Soudan. Le cas du Mali est plutôt une question de pauvreté », affirme-t-il.
Un risque pour la stabilité régionale ?
La rébellion touarègue soulève de nombreuses questions quant à la stabilité régionale de l’Afrique de l’Ouest. En effet, la création d’un État Azawad au nord du Mali n’est pas sans risques pour la stabilité géopolitique de l’Afrique occidentale. La participation auprès des rebelles touaregs de groupes islamistes, tels Al Qaïda au Maghred islamique (AGMI), pourrait faire du nord du Mali un territoire propice aux activités terroristes, ce qui viendrait compromettre la sécurité des pays voisins. Slimane Zeghidour, journaliste à TV5 Monde, rappelle d’ailleurs qu’il y a, au sein du mouvement indépendantiste touareg, « une révolte dirigée par des islamistes qui ne sont pas tous des touaregs et qui ne veulent pas la sécession, mais qui souhaitent plutôt imposer la charia sur tout le territoire du Mali.
Pour Mahamadou Diarra, coordinateur du Réseau de communication Kayira au Mali, la création d’un État Azawad n’est pas une surprise. En outre, M. Diarra s’interroge sur le rôle de la CEDEAO et de la communauté internationale dans la création d’un tel État. « Les islamistes et les rebelles ont traversé d’autres pays avant de se retrouver au Mali. Où étaient la CEDEAO et la communauté internationale quand ils rentraient au Mali ? Qui sont leurs fournisseurs ? La communauté internationale pourrait trouver la réponse à ces questions », avance-t-il.
Doit-on s’attendre à une montée de mouvements indépendantistes dans les pays voisins du Mali ? Selon Mme Zahar, la création d’un État Azawad pourrait susciter « une onde de choc dans des pays démocratiques faisant face à des défis majeurs. Regardant ce qu’il se passe au Mali, d’autres groupes insatisfaits au sein de leurs États pourraient être tentés par l’aventure indépendantiste ». Cependant, à l’échelle mondiale, la création de nouveaux États demeure « l’exception plutôt que la norme ». C’est pourquoi penser maintenant à un chamboulement des frontières africaines serait « prématuré », ajoute-t-elle.
Vers une sortie de crise ?
Sous la pression de la communauté internationale, et particulièrement sous les menaces de sanctions politiques et économiques de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la junte militaire accepte, le 12 avril, de céder le pouvoir au gouvernement par intérim de Dioncounda Traoré. Cependant, le retour à l’ordre constitutionnel se fait toujours attendre. Le 27 avril, Bamako claque la porte à la proposition de la CEDEAO d’envoyer 3000 soldats au Mali dans le but d’assurer une transition du pouvoir vers un gouvernement civil et de combattre les rebelles au nord du pays. Pour Mme Zahar, la solution militaire ne peut être que temporaire. « Tant que les militaires sont au pouvoir, l’appui extérieur, essentiel à tout plan de développement à grande échelle visant à réintégrer le nord dans le reste du Mali, ne va pas être présent ».
Mahamadou Diarra croit lui aussi qu’une intervention militaire n’améliorera pas la situation du pays. « La présence des forces étrangères n’a jamais réglé un conflit militaire dans les pays où elles ont été déployées. Notre pays paiera la facture de la prestation de ces militaires qui ne mèneront aucun combat pour libérer le nord ». Par ailleurs, M. Diarra soutient que la CEDEAO est « une organisation qui n’a aucun pouvoir politique pour décider, et qui exclut les peuples dans sa démarche ». M. Diarra se porte plutôt à la défense du peuple malien, selon lui « capable de régler ses difficultés sans les armes ni l’intervention militaire des pays étrangers ».
De son côté, Slimane Zeghidour croit que la communauté internationale fait face à un dilemme : « ou bien la communauté internationale prend acte du désir des Touaregs d’être autonomes, ou bien elle soutient l’État malien unitaire et son intégrité territoriale, se mettant ainsi à dos les Touaregs qui pourraient être récupérés par l’AQMI, rajoutant ainsi au désordre qui règne dans la région du Sahel ». Loin d’être terminée, la crise malienne a permis de mettre au grand jour un malaise politique profond, dont les séquelles se manifesteront encore dans les mois et années à venir.

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