Lorsque l'on se retrouve dans les rizières, se promener, divaguer, pédaler, ruminer au milieu de l'immensité verte, telle un navigateur solitaire au milieu d'une mer déclinant toutes les teintes de vert inimaginables , cela fait partie du quotidien, de mon quotidien ! On s'adonne aussi à d'autres plaisirs de la vie, cogiter par exemple, enfin pas trop tout de même, on « poke », chose que je viens de découvrir sur les réseaux sociaux, on peut aussi écrire, mais le temps nous étant offert sur un grand plateau, on a beaucoup de temps pour se consacrer à la lecture. Je suis plutôt passionné par les polars, sans nul doute, mais aussi par toutes sortes de romans ou essais, d'horizons très différents. Je voulais vous faire partager quelques livres, faisant partis d'une « liste » des livres « que j'aime », des livres qui de très près, voire d'un peu plus loin, ont comme cadre et action la Thaïlande . Il y a bien-sur beaucoup d'autres livres, qui se trouvent dans d'autres listes ou qu'ils ne sont pas de ceux que j'ai préférés ...Si bien-sur, vous voulez y ajouter d'autres livres à cette liste, et il y en a sûrement beaucoup d'autres, vos suggestions et remarques seront les bienvenus, dans la rubrique « commentaires », en fin d'article !
Voici donc: "mes bouquins que j'aime"
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Le premier de tous, celui de ma liste, je m'entend, est sans conteste celui de Pira Sudham, « Terre de mousson » ( traduit de l'anglais, aux éditions Picquier, éditeur suisse)! Ce roman débute à la fin des années 50, relate l'histoire d'un petit garçon vivant à Napo, un village d'ISAN confiné dans la province de Surin, une vie compliquée mais heureuse malgré tout, une vie qui va profondément changer avec l'arrivée d'un maître d'école qui tentera d'imposer l'instruction, de l'inculquer aux parents des enfants du village, villageois qui ne voient pas d'un très bon œil le détournement des enfants du labeurs des rizières. L'instituteur se battra en essayant de les convaincre du bien fondé de l'école, afin de briser le cycle de la pauvreté dans lequel les habitants de Napo errent, fatalistes, depuis la nuit des temps... La vie de ce p'tit gars d'ISAN, Prem, va alors totalement changer lorsque le maître d'école va le remarquer et le prendre sous sa coupe ! Le roman vous promènera, de l'ISAN à Bangkok, jusqu'en Europe ! Il traverse aussi trois décennies où la Thaïlande connaîtra de profonds changements, puis il s’achèvera avec le retour de l'enfant prodige, alors adulte et reconnu, dans son petit village de Napo en ISAN . L'auteur, dont sa vie a largement inspiré ce livre, nous embarque, servie par un texte plein de poésie, de la ruralité profonde au lumières surfaites de l'occident, confrontant l'auteur à deux cultures tellement différentes, de la nécessité de l'instruction qui peut nous faire oublier nos racines, de la difficulté entre deux mondes dont les codes sociaux sont diamétralement opposées, de l'imprégnation que peut avoir la religion sur Prem devenu jeune adulte. Ce livre est donc un superbe voyage, proposé par Pira Sudham qui ne vous laissera sûrement pas indifférent, il aura le mérite de vous poser de nombreuses questions sur nos modes de vie, nos croyances, nos rapports aux autres ! Hélas, ce livre n'est plus réédité depuis longtemps et pour le trouver, seuls les sites de ventes de livres d'occasion sont en mesure de vous dénicher cette perle rare !
« La chute de Pak » aux éditions du Seuil, traduit du thaï par Marcel Barang, est une très belle fable sur la vie d'un village thaïlandais se déroulant à la fin des années 70 ! Chart Korbjitti, cinéaste et romancier, essayiste à son heure, est un des écrivains les plus reconnus de sa génération. Son écriture est fluide( servit par Marcel Barang) et la description qu'il fait de la vie de ce village de la plaine centrale n'a rien a envié a Sudham. Il nous fera aussi traverser plus de deux décennies ou modernisme et traditions se confronteront. Il mettra en exergue les relations sociales compliquées qui peuvent exister, même dans un petit village tranquille comme il en existe plus de 50000 en Thaïlande ! Pak, le personnage principale, que l'on accompagnera durant toute sa courte vie est un garçon attachant et naïf, et il va se confronter aux travers de l'espèce humaine, jusqu'à « sa chute ». Une très belle et triste fable qui vous fera découvrir une autre Thaïlande, celle des villages où plus de la moitié des citoyens du royaume y vivent encore tous les jours, une vie avec ses codes, ses croyances et traditions qui vous fera sûrement décrypter les traits de caractères de nos amis les thailandais !
Le troisième de ma liste est sûrement le plus éloigné de la Thaïlande, son action se passant au Cambodge ! Mais cette histoire vécue par l'auteur, François Bizot, se terminera en terre siamoise ! « Le portail » aux éditions de la Table Ronde, se déroule lors de l’ascension au pouvoir des Khmers Rouges durant les années 70. L'arrivée de Pol Polt et de ses sbires à Phnom Penh sera l'action de ce livre, l'acharnement de l'auteur à essayer de sauver ses compatriotes, de se retrouver impuissant à venir en aide aux cambodgiens, son acharnement l'emmena même à collaborer avec ses anciens geôliers! Il fut en effet emprisonné puis relâché avant la prise définitive du pouvoir par les Khmers rouges. Il sauvera sa peau ainsi que celles certains cambodgiens voués à l'extermination en négociant avec ses tortionnaires. Il fuira alors par le nord du pays jusqu'en Thaïlande. Un récit saisissant !
Ah ! Houellebecq, on aime ou on déteste ! Là n'est pas le propos ! Dans « Plateforme », en poche chez « J'ai Lu », est l'histoire d'un homme désabusé de la vie, il a la quarantaine révolue et grâce à un concours de circonstance, se retrouvera avec un pécule et décidera de s'en servie pour se rendre en Thaïlande et commencer une nouvelle vie ! L'auteur, après avoir sûrement fait une vraie enquête de terrain, nous raconte une certaine Thaïlande, celle qui dérange pour certains, mais qui indéniablement existe ! Le roman y mêlera aussi des faits politiques de l'époque, ce qui emmènera Houellebecq a avoir de gros soucis avec certains religieux de la planète, mais le passage qui se déroule dans un hôtel du Caire qui a emmené contre lui cette fatwa, est des plus croustillant ! On aime ou n'aime pas, mais on ne pourra pas retirer à l'auteur son style impeccable, juste pour un plaisir de lecture ! Je parle de style, car c'est important, non ? Une pique pour tous ces romans, certes, liés de très près à la Thaïlande mais qui sont, pour ceux qui ne sont pas écrits dans la langue de Molière, traduit « façon Google translation » et puis pour tous les autres qui ne sont que des ultimes témoignages de farangs tentant de se dépatouiller avec la gente féminine thaïlandaise, voire même des confessions de filles de bars où les « éditeurs » auraient oublié de relire le texte avant de sortir le récit, privilégiant le titre accrocheur et une histoire qui est souvent, très souvent, à mon goût toujours la même histoire ! Houellebecq, pessimiste, désabusé et politiquement non correcte, c'est vrai, mais il sait vraiment se servir de son stylo ou de son clavier!
Pour en terminer, avec cette mini bibliothèque de « mes livres que j'aime », nous allons passés aux polars, ma tasse de thé, rien d'original, vous me direz, nous sommes tellement nombreux à aimer les romans policiers ! Ces derniers temps, nombreux sont les polars, se déroulant au pays du sourire, sortis dans les kiosques mais je n'en dirai rien car, tout d'abord, je ne les ai pas lu et puis avec l'arrivée de « Un os dans le riz », je serai mal placé pour en faire critique !
Le premier de ces quatre polars est « KOKO » de Peter Straub, ici présenté sous sa forme « poche » aux éditions Press Pocket. L'auteur est souvent comparé à Stephen King, je dirais juste que Straub a plutôt tendance à aller droit au but, alors que King...Mais ne nous égarons pas ! L'intrigue se déroule en grande partie à Bangkok, mais aussi avec des allers et retours aux États-Unis d'Amérique. A la fin de la guerre du Vietnam, des vétérans vont se retrouver lors d'une cérémonie leur étant dédié et tenter de retrouver un de leur camarade qui serait devenu un tueur psychopathe et qui sévit en Asie du Sud-est. Ne voulant pas y croire, ils vont suivre sa trace, Koko sera dure à dénicher ! Au milieu de Flash-back de la guerre du Vietnam, dans l'enfer de Bangkok, quartier Silom, le plus valide des vétérans retrouvera-t-il KOKO, son ex compagnon de galère, pour le sauver, ou pour l'arrêter de nuire ?
« Bangkok 8 » de John Burdett, ici sous sa forme poche aux éditions 10/18 domaine étranger, est « The polar, made in Thailand » ! L'intrigue va se dérouler essentiellement au sein du district 8 de la police royale thaïlandaise, c'est à dire sur Sukhumwit, un des endroits chauds de la capitale thaïlandaise ! Le narrateur écrit à la première personne et se permettra de vous interpeller. Il se glisse dans la peau du héros, l'inspecteur Sonchaï, flic atypique, refusant la corruption, se voulant même être un exemple pour ses collègues, fataliste d'un coté et persévérant de l'autre, ses deux caractères s'affrontant perpétuellement. En effet Sonchaï est le fruit d'une union entre un vague américain inconnu et une fille de bar, sa mère, très entreprenante et associée dans les affaires à son chef, le colonel Vikorn, « vrai policier thaï » comme pourrait l'imaginer notre coté occidental non corrompu (Heu...) ! L'histoire commence sur les chapeaux de roues, avec la mort totalement épique d'un attaché culturel de l'ambassade américaine de Bangkok ainsi que la fin tragique de son frère de sang lors du tout début de l'enquête...Burdett connaît parfaitement la Thaïlande et vous la fait découvrir grâce à une intrigue très très bien ficelée ! Vous aurez alors le désir de lire « Bangkok Tatoo », « Bangkok Psycho » et le dernier de ses récits « Le parrain de Katmandou », peut-être pour suivre simplement comment Sonchaï va t-il s'en sortir dans sa vie de « Papasam », de sa quête de l’ascétisme, de son rapport à sa mère et à son supérieur Vikorn ou juste pour le plaisir de participer à des enquêtes très « pays du sourire » !
« Paradis Blues », aux éditions « Rivages Poche » de John Saul, écrivain canadien anglophone, est encore une intrigue qui se concentrera à Bangkok, dans le quartier de Patpong à Silom. Elle se déroule durant les années 80, et pour ceux qui ne connaissait pas la capitale thaïlandaise de l'époque, c'est un voyage historique ! Le héros n'est pas flic, mais journaliste en perte de vitesse, correspondant étranger pour la presse anglophone. Il est désabusé de Bangkok, peut-être y vit-il depuis trop longtemps ? Il se débat avec de graves problèmes personnels, il décrira avec beaucoup d'humour son combat contre la syphilis, il ne sera plus comment « être » avec sa compagne thaïe et les autochtones tout court, il taillera au cordeau les caractères de la communauté étrangère de Bangkok, mais il mènera tout de même une enquête difficile, un piège qui le mènera jusqu'au Laos...
« Les cafards »,en poche chez « Folio Policier » de Jo Nesbo, auteur norvégien, est tout d'abord un polar que j'ai lu car Nesbo est un auteur de polar remarquable servit par une très bonne traduction. Ce roman se passe bien-sur en majeure partie à Bangkok, et cet inspecteur très « nordique » (un peu dans le style Wallander, héros de Henning Mankell, auteur suédois mais à la sauce norvégienne)va devoir se rendre « au pays du sourire » pour élucider le meurtre d'un diplomate norvégien, retrouvé dans une posture plus que compromettante dans un hôtel de passe sur l'avenue Sukkhumwit ! On découvre un autre Bangkok, entre mafia locale et mafia norvégienne, car si le royaume de Norvège a des relations privilégiées avec le royaume de Thaïlande, les mafias des deux pays ont aussi des relations plus qu'étroites ! Étonnant !
Je viens donc de vous proposer quelques lectures, qui pour certains seront de l'ordre du « roties-bouillies », mais pour d'autres, ces livres seront peut-être une façon d'appréhender ce beau pays qu'est la Thaïlande...Ni blanc, ni noir, juste une vision du pays du sourire qui peut être pour certains auteurs, un sourire amer !
En attendant, je retourne à mes rizières et aux enquêtes de mon inspecteur Prik, que vous lirez peut-être dans « Un os dans le riz » qui sortira sous peu (cela ne dépend pas que de moi), puis dans « Du poison dans le Mékhong », que je m’efforce de peaufiner, de cajoler, de réajuster à l'heure où vous me lirez peut-être...
Et comme j'aime à l'écrire, puisque je le dis tous les jours en quittant un voisin ou une connaissance lors de mes pérégrinations en terre d'ISAN, ce purgatoire enchanté, tous ces jours que le Bouddha a bien voulu et voudra bien me laisser profiter encore quelques temps :
Paille Kheundheu ! (« Je m'en vais... »)