Terdav Trail World Tour, Saint-Jacques, 39e étape: pour la beauté du geste...
Publié le 01 juin 2012 par Sylvainbazin
Et oui, ce matin, je suis tout de même reparti. Comme je vous le disais hier, Saint-Jacques marquait bien entendu bien plus qu'une simple étape dans mon voyage. C'était déjà, en soi, une ligne d'arrivée, un achèvement, une réussite aussi quant à mon projet. J'ai tenu bon, dans les délais prévus, mon challenge, physique et moral, est de ce point de vue gagné. Mais je tenais à aller, de la même façon, jusqu'à la mer, jusqu'au cap Finisterre, la pointe occidentale de l'Espagne. Je suis donc reparti de bonne heure de Santiago, en refaisant mon sac comme si de rien n'était, ou presque; je suis même parti un peu plus tôt que d'habitude, non pas pour enfin échapper aux ronflements ni à l'agitation de l'auberge, mais parce que mon étape est tout de même longue, 50 kms très vallonés, et pour échapper un peu plus à la chaleur qui risque être dure aujourd'hui.
Pourtant si, quelque chose a changé. J'ai vraiment le coeur léger, je marche sans aucune pression (j'en avais cela dit vraiment peu durant ce voyage, à part peut-être les quelques jours où l'effort a été plus difficile). Pour le plaisir, pour la beauté du geste, pour découvrir encore de nouveaux paysages. Je traverse à nouveau le centre ancien de Santiago, encore bien endormi mais vraiment beau sous cette lumière matinale, et m'arrête un peu plus loin pour le petit déjeuner, dans un agréable salon de thé. La sortie de la ville se fait en douceur. Je retrouve très vite la nature, pas de vilaine zone artisanale ou industrielle. Tout est en harmonie.
Le chemin continue bel et bien après Saint-Jacques: il est d'ailleurs presque aussi bien balisé qu'avant. Les bornes jacquaires sont présentes, et indiquent même le kilomètrage restant à accomplir pour Fisterra. Le décor, ce matin, est un peu la cerise sur le gâteau de mon périple. Vraiment agréable. De belles forêts, de bons chemins agréables à marcher. Des eucalyptus, des chênes. Beaucoup de fougères aussi. Leur présence, celle des feuillus et certains chemins me rappellent la forêt des Yvelines que je connais tant, Rambouillet. Celle où j'ai appris à courir. Le profil, lui, est proche de celui de la Vallée de Chevreuse... Pas mal de souvenirs me reviennent en mémoire, des souvenirs olfactifs, de sensations, des madeleines de Proust du marcheur.
Le paysage, les villages surtout, me rappellent aussi la Bretagne. Pays celtique, maisons de pierre, calvaires, les similitudes sont nombreuses. C'est aussi très valloné, un peu plus haut même que les monts bretons (je crois...680m en point culminant aujourd'hui).
Saint-Jacques a sans doute voulu me donner un coup de pouce ce matin: le temps a changé, quelques gouttes et un petit orage rafraîchissent l'atmosphère. Je peux donc vraiment goûter ce beau pays, en marchant assez facilement. L'ambiance du chemin a bien changé: je ne rencontre que peu de randonneurs, comme aux premières heures de mon voyage. Du coup, on se salue plus chaleureusement. Ce sont aussi des pélerins "motivés", loin de ceux que j'ai pu croisé ces tous derniers jours, qui semblaient être là pour des raisons bien différentes et qui m'échappent un peu, pas vraiment en accord avec l'esprit du chemin, même si il faut être tolérant et que toutes les motivations se retrouvent vers Saint-Jacques...j'avais plus de mal.
J'atteins vite Neigreira où je m'accorde une première petite pause. En repartant, je constate que la chaleur est montée d'un bon cran. Les côtes aussi montent d'un cran, voire de deux. Le profil et la moiteur me font maintenant penser à l'île de la Dominique, que j'ai traversé avec mon ami Christophe Le Saux en décembre dernier! Enfin, les alyzées en moins car le vent est bien retombé.
Après une seconde pause, où je déjeune en discutant un moment avec un groupe de britanniques (dont l'un d'eux s'étonne que je puisse connaître Burley, dans le Hampshire, d'où il vient), je repars et là, le plaisir de la marche s'évapore plus vite que ma sueur qui perle à grosse gouttes maintenant sur mon front. Il fait très, très chaud et je commence à en souffrir. La fatigue, même si la demi-journée de repos d'hier m'a fait grand bien, se rappelle à moi. Je trouve avec une vraie joie deux belles fontaines où je me rafraîchit. Plus loin, dans l'un des hameaux que je traverse, une gentille dame me guette avec un verre d'eau. Je le bois, elle m'en propose un autre que j'accepte aussi. A sa question: "Pourquoi marchez vous ainsi par cette chaleur, cet après-midi?" je n'ai guère de réponse, surtout en Espagnol... un plus ou moins véridique "me gustas" suffira pour cette fois. En tous cas, je suis bien heureux de cette marque de gentillesse et de bon accueil.
Le paysage est un peu moins bucolique que ce matin, les arbres bien plus rares. Heureusement, en me rapprochant de mon point d'arrivée, la température fraîchie un peu. Je me rapproche de la mer et l'air marin commence à se faire présent. Une belle vue sur un lac, la plus grande étendue d'eau que j'ai vu depuis longtemps, comme un avant-goût de l'océan qui m'attend demain, ponctuera mes derniers pas du jour.
J'arrive avec un quart d'heure d'avance à l'endroit convenu pour retrouver l'hôtelier, qui doit me conduite à cinq kilomètres du chemin. Je l'attends donc un peu, en dévorant, à la cuillière (je ne l'ai pas emporté pour rien!) le reste de la belle tablette de chocolat noir de antiago achetée hier. Un peu plus tard, c'est finalement une hôtelière qui me conduira jusqu'à Picota, où j'écris maintenant.
Arrivé à l'hôtel, dans une chambre confortable où je ne craindrai pas les ronfleurs, la fatigue retombe et s'abat sur moi. J'ai du beaucoup transpiré car j'ai une appétence inhabituelle pour le salé et m'achète même un paquet de chips au supermarché du coin... mais bon, demain, il ne me reste qu'une petite quarantaine de kilomètres pour atteindre la mer, le but ultime de mon voyage à pied sous le signe de Saint-Jacques.