Egyptology, The Skies // Cover album
Egyptology se tient tout en haut de la vague retro-synthés du Zeitgeist musical, aux côtés de Jaumet, KFTP, Kouldam, Turzi & co. En fins archéologues, en artisans besogneux et éclairés, c’est un stock pharaonique de vieux outils qu’Olivier Lamm et Stéphane Laporte ont convoqué pour cette réalisation.
Dans les règles de l’art mais sans fadasseries excessives, toutes les vieilleries goûteuses et éternelles sont mobilisées pour (re)créer les horizons vite oubliés des années pré-numériques (et en particulier la fin des 70s et le seuil des 80s). Les Korg, les Roland, les Juno, les Jupiter, les Prophet, les Yamaha (…) donnent à ce très beau The Skies un sévère goût de naphtaline, certes, mais ils lui confèrent aussi cette capacité à générer d’immenses plaisirs en replongeant dans ce bain que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ; bain où les échos irraisonnés des Kraftwerk, Carpenter, Vangelis, Jarre et consorts débordaient en océans furieux, où les waves entrechoquaient les oscillations électroniques les plus terribles, où les ondes rendaient marteau, dégageant des continents liquides et dangereux, aux confins desquels les synthèses de la Recherche se muaient en pastilles hallucinantes, pop et conquérantes.
The Skies est un petit bijou d’artisanat, finement composé et construit, fièrement passéiste et tenant haut ses convictions et sa volonté de réinvestissement de territoires délaissés. C’est une replongée dans le passé, une résurrection des futurs d’antan, qui est aussi déconcertante que nécessaire.
On peut douter de la pertinence de faire obédience à des écoles technico-esthétiques un tantinet poussiéreuses (le tout analogique, le tout vintage, l’architecture des compositions, les visuels, etc.) et de toute la nerderie qui l’accompagne. On peut mettre en cause l’intérêt de se livrer au jeu de rôles qui voudrait que l’on fasse “comme si on y était” – sans en faire plus, mais sans en faire moins – comme le ferait un orchestre de musique baroque ou un ensemble de jazz manouche. Mais on constatera avec conviction qu’Egyptology parvient, au sein du canevas kitsch qu’il s’est choisi, à composer des voyages sonores rafraichissant et saisissant par la profondeur et l’acuité de l’ouvrage réalisé. Ce disque, par sa cohérence et sa construction intellectuelle parfaite, porte en soi la puissance des mythologies de fin de siècle auxquelles il fait référence. On replonge dans les méandres homériques des pré-cyberpunks, des SF les plus audacieuses, on se met à rêver nous aussi de moutons électriques.
A écouter en profondeur, donc.
Egyptology, The Skies, disponible chez Clapping Music.
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