Considéré comme l`un des meilleurs de sa génération, Konan Guillaume (Kajeem) fascine tant par son charisme que par son engagement, son rayonnement et sa créativité. Ce qui lui attire amitié et inimité. Sa voix envoûtante puise, dans l`arsenal de la littérature, les munitions d`une poésie vivifiante au verbe incisif. Dans cette interview, Kajeem dénonce les maux de la société ivoirienne…Kajeem, à quand remonte votre entrée avec la musique ?Je n’ai pas rencontré la musique. Je suis né dans la musique. Dans les années 70, à Treichville, dans une commune qui, à l’époque, était le foyer culturel de la Côte d’Ivoire. J’ai grandi dans les environs d’une des plus grandes boîtes de nuit de l’époque. C’est vrai que mon premier vrai contact s’est passé à 11 ans, quand j’ai intégré un groupe pour participer à la célèbre émission Podium. Mais, la musique a toujours été là. Kajeem se définit-il comme Rasta ?Je ne me définis pas. Je suis Rasta.Il paraît que vos rapports avec les Rasta de Côte d’Ivoire ne sont pas au beau fixe…Ce n’est pas une secte. Pour moi, toute personne qui est Rasta est mon frère. Je n’ai jamais été réticent par rapport aux Rasta. Je veux que les gens soient responsables. Je veux dire, j’ai beau être rasta, chaque individu doit être conscient des actes qu’il pose.Pourquoi ne vivez-vous pas au village rasta ?Vous êtes chrétiens. Vivez-vous dans un village chrétien ? Je suis Rasta. Mais, il n’a jamais été dit que quiconque est rasta doit aller vivre dans un village rasta.Justement, Kajeem et l’herbe ?Je ne fume pas et je n’ai jamais fumé. Et je suis amusé chaque fois qu’on me pose ce genre de questions. Parce que ceux qui fument et qui s’en proclament, eux, on ne leur demande jamais. Moi, je ne fume pas. A une époque donnée, pour ceux qui me connaissent, avec qui j’ai fait les années universitaires, je buvais de l’alcool. Mais, cela fait 17 ans que je n’ai pas touché à une goutte d’alcool. L’herbe n’est pas une fin en soi, mais c’est la stigmatisation qu’on fait autour qui me fait rigoler. Je ne crois pas que la grande majorité des Ivoiriens ait un problème avec l’herbe. Mais plutôt avec l’alcool. Vous voyez, dans nos quartiers, on vend du Koutoukou à 50 ou 100 FCFA. Tous les enfants peuvent en acheter. Dans nos villes et villages, il y a de véritables alcooliques qui se trouvent être des mineurs. On ne prend pas conscience de ce phénomène. L’herbe est un prétexte pour stigmatiser les Rasta et essayer de les mettre en marge de la société.Dans vos textes, vous dénoncez les tares de la société. Mais, cela fait un moment qu’on ne vous entend plus. Qu’est-ce qui explique ce silence?Ceux qui me suivent savent que je fais des spectacles. Depuis 2002, j’ai décidé de ne faire que des albums tous les quatre ans. Le dernier en date est sorti en 2008. Le prochain Kajeem sortira naturellement en 2012, suivant la logique des quatre ans d’espacement. Je suis en train de finir mon recueil de nouvelles qui sortira bientôt chez Frat-Mat Editions.Pendant ce temps, je travaille sur mon prochain album et aussi sur le nouveau projet musical de la Croix-Rouge. Ça fait beaucoup de choses en même temps. Sans oublier toutes les obligations de papa… Je veux dire que je suis à un stade où il ne faudrait pas médiatiser les choses davantage. Je suis tout simplement en laboratoire. Je ne suis pas ce genre de personne qui veut être à tout moment dans la presse, même quand elle n’a rien à dire. Avant cet album que je suis en train de préparer, on a lancé le concept du Ghetto Reporter, qui est l’album qu’on fait entre deux albums, avec nos jeunes frères. Nous avons dénoncé la cherté de la vie. A l’époque, on nous a reproché de faire un album contre les anciens tenants du pouvoir et aujourd’hui ceux qui l’écoutent disent qu’on fait un album contre le pouvoir en place. C’est la preuve que nous continuons de travailler pour dénoncer ce qui ne va pas dans la société. Aujourd’hui, les questions purement politiques et politiciennes, ne m’intéressent pas. Je suis plus dans le social, parce que cette question m’interpelle. Le peuple a besoin de proposition concrètes.Aujourd’hui, nous assistons à une spirale de violence dans le monde et particulièrement, dans notre sous-région. Nous avons Boko Haram au Nigeria, le problème Touareg, la Libye, les coups l’Etat en Guinée-Bissau, au Mali… Quels commentaires faites-vous ?Il faut faire attention aux exemples qu’on donne. Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a une sorte de prime à la violence. Plus les gens se comportent mal et plus ils sont adoubés et félicités. Ce n’est pas ce genre d’attitude qui va encourager ceux qui veulent faire comme eux à se calmer. Quand tu prends la carte des conflits en Afrique, c’est pratiquement la carte des richesses. Ce n’est pas un mythe de croire que toutes ces guerres sont liées à la volonté des puissances occidentales de s’accaparer les richesses qui sont dans ces zones. Les Africains, eux-mêmes, qu’est-ce qu’ils disent face à cela ? Est-ce qu’on restera des eternels assistés ? Est-ce qu’on s’éternisera à rejeter la responsabilité sur les autres ?Quand je vois l’Afrique, je me désole qu’il n y a plus de leader politique capable de prendre la direction des choses et de donner une véritable impulsion, une véritable vision aux Africains.Réalisée par F.TAKY
Considéré comme l`un des meilleurs de sa génération, Konan Guillaume (Kajeem) fascine tant par son charisme que par son engagement, son rayonnement et sa créativité. Ce qui lui attire amitié et inimité. Sa voix envoûtante puise, dans l`arsenal de la littérature, les munitions d`une poésie vivifiante au verbe incisif. Dans cette interview, Kajeem dénonce les maux de la société ivoirienne…Kajeem, à quand remonte votre entrée avec la musique ?Je n’ai pas rencontré la musique. Je suis né dans la musique. Dans les années 70, à Treichville, dans une commune qui, à l’époque, était le foyer culturel de la Côte d’Ivoire. J’ai grandi dans les environs d’une des plus grandes boîtes de nuit de l’époque. C’est vrai que mon premier vrai contact s’est passé à 11 ans, quand j’ai intégré un groupe pour participer à la célèbre émission Podium. Mais, la musique a toujours été là. Kajeem se définit-il comme Rasta ?Je ne me définis pas. Je suis Rasta.Il paraît que vos rapports avec les Rasta de Côte d’Ivoire ne sont pas au beau fixe…Ce n’est pas une secte. Pour moi, toute personne qui est Rasta est mon frère. Je n’ai jamais été réticent par rapport aux Rasta. Je veux que les gens soient responsables. Je veux dire, j’ai beau être rasta, chaque individu doit être conscient des actes qu’il pose.Pourquoi ne vivez-vous pas au village rasta ?Vous êtes chrétiens. Vivez-vous dans un village chrétien ? Je suis Rasta. Mais, il n’a jamais été dit que quiconque est rasta doit aller vivre dans un village rasta.Justement, Kajeem et l’herbe ?Je ne fume pas et je n’ai jamais fumé. Et je suis amusé chaque fois qu’on me pose ce genre de questions. Parce que ceux qui fument et qui s’en proclament, eux, on ne leur demande jamais. Moi, je ne fume pas. A une époque donnée, pour ceux qui me connaissent, avec qui j’ai fait les années universitaires, je buvais de l’alcool. Mais, cela fait 17 ans que je n’ai pas touché à une goutte d’alcool. L’herbe n’est pas une fin en soi, mais c’est la stigmatisation qu’on fait autour qui me fait rigoler. Je ne crois pas que la grande majorité des Ivoiriens ait un problème avec l’herbe. Mais plutôt avec l’alcool. Vous voyez, dans nos quartiers, on vend du Koutoukou à 50 ou 100 FCFA. Tous les enfants peuvent en acheter. Dans nos villes et villages, il y a de véritables alcooliques qui se trouvent être des mineurs. On ne prend pas conscience de ce phénomène. L’herbe est un prétexte pour stigmatiser les Rasta et essayer de les mettre en marge de la société.Dans vos textes, vous dénoncez les tares de la société. Mais, cela fait un moment qu’on ne vous entend plus. Qu’est-ce qui explique ce silence?Ceux qui me suivent savent que je fais des spectacles. Depuis 2002, j’ai décidé de ne faire que des albums tous les quatre ans. Le dernier en date est sorti en 2008. Le prochain Kajeem sortira naturellement en 2012, suivant la logique des quatre ans d’espacement. Je suis en train de finir mon recueil de nouvelles qui sortira bientôt chez Frat-Mat Editions.Pendant ce temps, je travaille sur mon prochain album et aussi sur le nouveau projet musical de la Croix-Rouge. Ça fait beaucoup de choses en même temps. Sans oublier toutes les obligations de papa… Je veux dire que je suis à un stade où il ne faudrait pas médiatiser les choses davantage. Je suis tout simplement en laboratoire. Je ne suis pas ce genre de personne qui veut être à tout moment dans la presse, même quand elle n’a rien à dire. Avant cet album que je suis en train de préparer, on a lancé le concept du Ghetto Reporter, qui est l’album qu’on fait entre deux albums, avec nos jeunes frères. Nous avons dénoncé la cherté de la vie. A l’époque, on nous a reproché de faire un album contre les anciens tenants du pouvoir et aujourd’hui ceux qui l’écoutent disent qu’on fait un album contre le pouvoir en place. C’est la preuve que nous continuons de travailler pour dénoncer ce qui ne va pas dans la société. Aujourd’hui, les questions purement politiques et politiciennes, ne m’intéressent pas. Je suis plus dans le social, parce que cette question m’interpelle. Le peuple a besoin de proposition concrètes.Aujourd’hui, nous assistons à une spirale de violence dans le monde et particulièrement, dans notre sous-région. Nous avons Boko Haram au Nigeria, le problème Touareg, la Libye, les coups l’Etat en Guinée-Bissau, au Mali… Quels commentaires faites-vous ?Il faut faire attention aux exemples qu’on donne. Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a une sorte de prime à la violence. Plus les gens se comportent mal et plus ils sont adoubés et félicités. Ce n’est pas ce genre d’attitude qui va encourager ceux qui veulent faire comme eux à se calmer. Quand tu prends la carte des conflits en Afrique, c’est pratiquement la carte des richesses. Ce n’est pas un mythe de croire que toutes ces guerres sont liées à la volonté des puissances occidentales de s’accaparer les richesses qui sont dans ces zones. Les Africains, eux-mêmes, qu’est-ce qu’ils disent face à cela ? Est-ce qu’on restera des eternels assistés ? Est-ce qu’on s’éternisera à rejeter la responsabilité sur les autres ?Quand je vois l’Afrique, je me désole qu’il n y a plus de leader politique capable de prendre la direction des choses et de donner une véritable impulsion, une véritable vision aux Africains.Réalisée par F.TAKY