Philippe Simonnot et Charles Le Lien, dans un livre aux fondements historiques solides, montrent que l’abandon de l’étalon-or est la source principale des difficultés monétaires de ces dernières décennies. Chronique du livre « La monnaie : histoire d’une imposture » (éditions Perrin, mai 2012).
Par Jacques Bichot.
Philippe Simonnot (CC, Wikibéral)
Mais pourquoi ce laxisme ? Les banques centrales n’ont pas tenu la bride serrée aux banques commerciales parce qu’il est difficile d’imposer aux autres une discipline si l’on est soi-même libre de faire quasiment n’importe quoi. Et la seule discipline qui puisse être appliquée aux banques centrales est, disent nos auteurs, l’étalon-or. Ils ont vraisemblablement raison, même si leur sympathie pour une conception « réaliste » de la monnaie (monnaie marchandise ayant une valeur intrinsèque) n’entraîne pas forcément l’adhésion. Qu’est-ce qui peut bien obliger les banques centrales à jouer les Pères Fouettard plutôt que les Papas Noël, si ce n’est la peur de la diminution de leur stock d’or, susceptible de déboucher sur une faillite ?
Nos auteurs attachent naturellement une grande importance au 15 août 1971, jour où le Président Nixon rompit le lien – devenu à la fois ténu et gênant – entre le dollar et l’or. Mais l’intérêt de leur ouvrage est de montrer que depuis la création de la Bank of England à la fin du XVIIe siècle, les banques d’émission, puis les banques centrales ont servi aux États à être de moins en moins liés par la contrainte de l’équilibre budgétaire.Ces institutions se sont interposées entre le citoyen et le métal précieux : autorisées à rembourser les dépôts en billets plutôt qu’en monnaies métalliques, les banques commerciales ont été ainsi protégées de la sanction naturelle que constitue un « run » [2]débouchant sur la faillite faute d’or en suffisance dans les coffres. Lorsque le système de réserve fédéral lui-même fut affronté à la diminution du nombre de tonnes d’or entreposées à Fort Knox, l’inconvertibilité du dollar en or supprima (comme l’inconvertibilité du Franc et du Mark en 1914, mais de manière plus irréversible) cette dernière forme de sanction automatique.« Le gardien du gardien de la monnaie », c’était l’or, disent très justement Simonnot et Le Lien, en regrettant que désormais il n’existe plus de gardien des gardiens. Le FMI a un peu joué ce rôle, mais sa trousse de secours a pris plus d’importance que son gros bâton. Seule la convertibilité en or permettrait d’instaurer une discipline monétaire et budgétaire compatible avec le fonctionnement harmonieux de l’économie.Il faudra certainement un second ouvrage pour exposer plus en détail les perspectives d’étalon-or ouvertes en conclusion par ces auteurs, et en faire une première étude d’impact et de faisabilité. « Mettre fin au monopole d’émission, dénationaliser les banques centrales, abroger les lois instituant le cours forcé des monnaies et le cours légal, défiscaliser la négociation de l’or » : Quid de la mise en œuvre de ces propositions, et quels seraient précisément leurs effets ?La critique effectuée par Philippe Simonnot et Charles Le Lien n’est pas de celles qui méritent d’être jugées trop faciles : solidement documenté, rempli d’arguments pertinents, leur ouvrage est de grande qualité. Reste que l’art est difficile : messieurs, à vos plumes !—Article paru initialement sur le Cercle – Les Echos. Acheter le livre sur Amazon.- J. Bichot, Huit siècles de monétarisation, Economica, 1984. ↩
- Ruée sur les guichets pour se faire rembourser. ↩