Les Âmes Grises, Philippe Claudel

Par Fleurdusoleil


Résumé Éditeur :
" Elle ressemblait ainsi à une très jeune princesse de conte, aux lèvres bleuies et aux paupières blanches. Ses cheveux se mêlaient aux herbes roussies par les matins de gel et ses petites mains s'étaient fermées sur du vide. Il faisait si froid ce jour là que les moustaches de tous se couvraient de neige à mesure qu'ils soufflaient l'air comme des taureaux. On battait la semelle pour faire revenir le sang dans les pieds. Dans le ciel, des oies balourdes traçaient des cercles. Elles semblaient avoir perdu leur route. Le soleil se tassait dans son manteau de brouillard qui peinait à s'effilocher. On n'entendait rien. Même les canons semblaient gelé.
 - C'est peut-être enfin la paix...hasarda Grosspeil.
 - La paix mon os ! lui lança son collègue qui rabattit la laine trempée sur le corps de la fillette. "
Mon avis : 
Philippe Claudel est sans conteste un auteur de talent. Son roman "Les âmes grises" reçoit d'ailleurs le prix Renaudot en 2003. Son écriture est franche et poétique. Il semble tisser une toile complexe autour de ses personnages. Il balade le lecteur dans une histoire faite de petits riens et de grands touts.
Tout commence par "L'affaire". Une petite fille est assassinée dans un petit village français. Le policier chargé de l'enquête se souvient de tout et aussi du reste. Car contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, ce meurtre n'est que secondaire dans cette sombre histoire. Nous sommes en pleine première guerre mondiale. Les combats font rages à la lisière du village. Les gens ont peurs. Les femmes voient leurs maris, fils ou pères partir au front alors que d'autres plus chanceux sont réquisitionnés pour faire tourner l'usine. Monsieur le maire et tous les notables de cette petite bourgade entendent bien continuer leur petit train-train quotidien, espérant ainsi jouir encore longtemps de leurs privilèges.
Alors quand on retrouve le corps de la petite Belle de jour, comme elle était si joliment surnommée, les esprits s'échauffent et les langues se délient pour nourrir les rumeurs. Les rancoeurs et les méchancetés font surfaces. Chacun dans son petit univers avec ses seules besoins et espérances.
La vie au village n'est pas simple.
Philippe Claudel entre dans ce roman dans l'âme sombre des hommes. Il décortique par le biais des différents personnages les travers humains dans son quotidien. En arrière plan, les combats meurtriers de la première guerre mondiale viennent encore assombrir le tableau. On ressent la haine mais aussi la souffrance. Mais on ressent surtout la peur.
Chaque personnage souffre dans son être et consciemment ou inconsciemment fait subir aux autres les conséquences de ses blessures. 
Bref, Les âmes grises fait parti de ses histoires simples mais sombres qui nourrissent le coeur du lecteur de mélancolie et de tristesse. C'est un moment de lecture très fort en émotions.
Lecture faite dans le cadre du challenge "Un mot des titres" organisé par Calypso. Pour cette session le mot était "âme".
Un petit extrait... : 
 " Un crime comme l' Affaire, vous pensez si ça secoue une région. C'est comme une onde : la nouvelle cavalcade et fait trembler tout sur son passage. Les gens, ça leur fait horreur et en même temps ça les fait causer. Autant dire que ça leur occupe et la tête et la langue. Pour autant, savoir qu'un assassin vadrouille dans la campagne, qu'il est là, tout près de vous, que vous l'avez peut-être croisé, que vous allez peut-être le faire, qu'il s'agit peut-être de votre voisin, ce n'est bon pour personne. Qui plus est en temps de guerre, où plus encore qu'en un autre temps, on a besoin d'une bonne paix civile à l'arrière, sinon, tout est fichu."

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