Il se promène au bord de la rivière, ses pas dansent sur les galets. Ses doigts s'accrochent aux branches des ormes. Le soir descend, il a le temps. C'est son royaume, sa vie rêvée. Ailleurs il se sent seul au monde. Il a un caillou sur le coeur.
Ses yeux brillent comme une pierre de soleil rouge. Les oiseaux du ciel lui tiennent compagnie. La solitude console sa peine. Ses mots tutoient les disparus, qu'il effleure dans les eaux sombres et l'entraînent dans leur courant. Sa foi n'est pas celle du charbonnier. Il se moque des éducateurs - les carreaux de l'école, sa fronde les a cassés - et n'a que faire des puissants. Il se rit de leur imposture et préfère la tendresse des noyés.
Un instant, il se voudrait autre: mousquetaire, ou cendre, ou rose des vents. Et tourner, tourner encore jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la fin, dans la source claire devenue profonde, dans l'ombre fragile et sans raison de l'aube présente.
Loin des autres: apôtres de l'obéissance, ennemis de l'envol, bâtisseurs de prisons. Pensées blanches d'un jour cassé sur l'épuisant chemin du retour.
Et le mur du silence, un matin se brisa... Jacques Brel
image: André Kertesz