On peut tenir tous les discours que l’on veut sur la vitalité
du rock, sa pertinence ou non en l’an de grâce 2012, on en revient toujours finalement
à une affaire de tripes.
En écoutant « Attack on Memory », troisième album des Américains de Cloud Nothings (jusqu’ici Dylan Baldi seul, aujourd’hui un groupe de quatre), on se dit qu’elles sont clairement sur la table. Pour s’en persuader, on se réécoute en boucle les 8 minutes 54 secondes de « Wasted Days ». Voix éraillée, guitares furibardes, rythmiques puissantes, et cette longue montée en milieu de morceau… on ressent ici toute la frustration du narrateur éructant « I thought I would be more than this ».
« Attack on Memory », produit par le grand manitou Steve Albini, transpire l’énergie du désespoir. « No Future/No past » clame le morceau d’ouverture pour donner le ton. « No Sentiment » lui répondra plus tard la sixième plage de l’album au texte programmatique : « We Started a war/Attack on memory/No easy way out/Forget everything/No nostalgia/And no sentiment ». Avant, on aura eu une nouvelle démonstration de rock débridé sur l’instrumental « Separation », qui coupe le disque en deux.
Cloud Nothings ne fait donc pas dans la joliesse mais plonge sans protection dans les recoins les plus sombres de nos vies. Ennui, solitude, amours brisés, espoirs vains. Sur « Stay Useless » aux contours plus pop, le constat reste implacable : « Nothing I can do will make things change/I’m stuck in here and I’m tired of everywhere/I’m never gonna learn to be alone ». Le tout se conclut logiquement donx sur « Cut You ». L’histoire d’un homme qui apostrophe son ex au sujet de son nouvel ami : « Do you wanna hurt him ? Do you wanna kill him ? Is he gonna work out ? » De cet enfer, on retiendra encore les tous derniers mots : « I need something I can hurt. » Cloud Nothings pourrait bien y arriver. Il vient en tout cas de frapper très fort.
KidB
Wasted Days :
No Sentiment :
Cut You :