Parce qu’une blogueuse influente et populaire se doit de pondre régulièrement une chronique cinématographique de qualité, en y citant si possible un maximum Jacques Audiard ou Guillaume Canet (à l’extrême limite, Albert Dupontel pour faire subversif)
Avec Loutre, hier, on était au cinéma.
C’est pas que ce soit un évènement en soi, hein.
Mais ce qui était extraordinaire, c’est qu’on se matait Prometheus.
Et encore plus dingue: on avait regardé Alien la semaine d’avant, histoire que Loutre rattrape un tout petit peu son retard en matière de césariennes involontaires et de problèmes d’orthodontie chroniques.
Parce que Loutre et la science-fiction, ça fait deux. Pour Loutre, La guerre des étoiles c’est le summum de la connerie narrative, un nanar tellement consternant que ce serait un crime contre l’humanité de le diffuser y compris dans une maison d’accueil spécialisée pour infirmes moteurs cérébraux. Loutre préfèrerait se faire énucléer à l’épluche-légumes plutôt que d’avoir à regarder Rencontres du 3e type (“C’est de la merde en barre. On a même pas envie de connaître les prénoms du premier et du deuxième type, ou alors juste pour leur conseiller d’aller se faire foutre. C’est affligeant”.)
Donc l’autre soir, avec mon copain Gégé, on avait décidé de regarder Alien. Quand Gégé vient à la maison pour regarder des films sur ma télé, il apporte une bouteille de rouge ou bien de la bière, et aussi un DVD avec des organes internes exposés sur la couverture ou bien des choses qui bavent et qui tranchent la tête d’un sosie de Mickaël Vendetta sur un fond musical un peu violent. Ces soirs-là, Loutre monte s’enfermer dans le bureau pour aller relire le tome 2 de L’histoire de France de Michelet ou un bouquin de Jim Harrison avec des Indiens dépressifs, des loups névrosés et des trappeurs alcooliques qui cherchent un sens à leur vie dans les forêts du Montana.
Mais pour Alien, va savoir pourquoi, Loutre a décidé de rester avec nous. Moi j’étais plutôt contente, même si j’avais aussi un peu honte de dévoiler nos petits rituels, à Gégé et à moi, comme les chips au wasabi trempées dans du miel et les concours de répliques:
- “Il y a une couche de brume bleue qui recouvre les œufs…”
- “Cette saloperie est en train de bouffer la coque!”
- “Il a une couche externe de protéines polysaccharides. Il a la drôle d’habitude de perdre ses cellules et de les remplacer par du silicone polarisé..”
- “Un parfait organisme. Et sa perfection structurale n’a d’égale que son hostilité.”
- C’est super, vos conneries, on dirait une rediffusion sous acide d’une émission de Michel Polac, vraiment très chouette. Maintenant vous fermez vos gueules sinon c’est pas en couche externe que vous allez les recevoir, mes protéines polysaccharides.
Après cette séance mémorable (“Il sort par le thorax? Mais c’est complètement con!”), c’était évident que Loutre allait m’accompagner pour voir Prometheus, parce qu’on était deux à vouloir des réponses aux questions cruciales posées par Alien en 1979, comme par exemple qui est le space-jockey, ou encore d’où venait le vaisseau qui transportait les œufs (“C’est ça…et puis surtout POURQUOI il sort par le thorax? C’est complètement con!”).
Donc hier soir, à la séance de 22h (la dernière), on faisait la queue avec tout plein d’autres gens pour voir le film. Loutre râlait un peu, rapport au fait que c’était en 3D (Loutre n’aime pas la 3D, l’autre jour on était allé voir Avengers, eh ben Loutre a gerbé pour de vrai pendant la scène de la bagarre en plein ciel, c’était embarrassant). Mais bon, dans l’ensemble, on partageait quand même l’excitation du moment (moi j’ai essayé d’arrêter de faire des bonds sur place parce que le monsieur de la sécurité me faisait les gros yeux, et aussi parce que Loutre m’a demandé si je voulais me retrouver avec la glotte nouée au rectum, et j’avais pas spécialement envie, donc j’ai essayé très fort de me maîtriser).
Au moment d’entrer dans la salle, Loutre a dû crier “bouge-toi, Lucette, on n’aura plus de places au milieu sinon!” mais c’était pas très facile pour moi d’accélérer, à cause de la béquille que m’avait faite un type aux cheveux longs et gras qui portait un tee-shirt avec “Dans l’espace, personne ne vous entend crier” écrit dessus, et tout plein d’autre gentils garçons comme lui qui me marchaient dessus en se criant mutuellement d’aller “se faire mettre par un Face-Hugger “. En fait, il n’y avait quasiment que ça, des centaines de types mal coiffés avec des grosses lunettes et des boutons sur la figure, qui se tapaient dessus pour entrer en premier dans la salle, ça m’a agréablement rappelé une convention Star Wars. Ils portaient tous des tee-shirts que Loutre a trouvé très abscons, avec des phrases comme “Ce ne sont pas ces droïdes que vous recherchez”, ou bien “Heeeeeeere’s Johnny!” ou “They belong here Mozambique”*, et comme j’arrivais à expliquer toutes les phrases à Loutre, j’ai eu droit à ce regard qui veut dire quelque chose comme “pas frais, mon poisson?”, alors j’ai fermé ma bouche.
Comme j’ai pas très envie de te spoiler le film, surtout si tu l’as pas vu, je vais pas raconter l’histoire ici, ni te parler des mecs qui ressemblent à Monsieur Propre ou de la pieuvre géante, encore moins du seul moment du film où on entend la musique originale d’Alien (sauras-tu le retrouver?), pas plus que des combinaisons ultra-moulantes de Charlize Theron (je préfère voir Charlize moulée dans une combi en néoprène plutôt que Russel Crowe boudiné dans un collant DIM, comme dans Robin des Bois). Je vais plutôt te dire que Loutre a bien aimé, même si j’avais un peu peur de l’entendre crier, en plein milieu du film: “Mais putain POURQUOI il sort par le thorax? C’est complètement con!”.
Quand on a fini par se coucher, il était une heure du mat’ et j’étais vraiment jouasse d’avoir partagé ma passion avec Loutre, qui d’ordinaire me demande plutôt de lui prendre un aller simple pour Tbilissi chaque fois que je lui propose une partie de Call of Duty ou un épisode de Walking Deads (“et puis après on se refait l’intégrale de Watoo-Watoo, aussi?”).
Du coup, j’avais commandé l’intégrale de Paul Auster pour son anniversaire, mais je crois que je vais changer pour le coffret “Resident Evil + Bad taste + Street Trash”.
Je sais pas pourquoi mais je suis sûre que ça va grave lui plaire.
*Celle-là, si tu me la resitues sans utiliser Google, c’est qu’on est des âmes sœurs.
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