Bande Dessinée | End, T. 1

« Imaginez…
Si le monde autour de vous jamais ne se mouvait…
Si le murmure du vent et le chuchotement de la pluie se répétaient inexorablement dans leur devenir monotone.
Si le silence, souverain, régnait jusqu’à ce que l’invisible ne soit vôtre…
Tel est mon univers.
Un monde où la berceuse du temps a cessé d’entonner sa complainte…
Un monde anémié, privé de toutes couleurs, où les esprits et les âmes perdues trouvent enfin la paix dans leurs mausolées solennels et sans âge…

J’ai 13 ans.
Elisabeth est mon nom.
Mes cheveux sont blancs comme la vie.
Si le cœur vous en dit, vous pourrez me rencontrer.
Mais pour cela, il vous faudra mourir… »

END de Barbara Canepa et Anna Merli est un récit sombre et énigmatique à l’image de ces quelques mots d’introduction, sélectionnés par l’éditeur. Le tome 1, premier d’une trilogie, met à l’honneur la jeune Elizabeth prise au piège d’un au-delà mystérieux : seraient-ce les limbes ? se demande t-elle. D’emblée, les interrogations pleuvent : sur la condition d’Elizabeth d’abord, puis sur l’endroit où elle se trouve et les moyens de s’en échapper. Désemparée, la jeune fille va chercher des réponses, coûte que coûte, dans ce monde ou dans le nôtre.

Trois créatures hybrides accompagnent, conseillent et soutiennent Elizabeth : Napoléon, le chat-serpent corail; Ulysse, la chauve-souris aux pattes de poulet et Leonardo, le crapaud-tétard. Mais ils ne constituent pas à eux seuls l’ensemble de la faune de l’outre-monde, des araignées, poissons ou autres passereaux psychopompes apparaissant tour à tour au fil du récit. En parallèle, nous suivons les pas d’un groupe d’écolières bien décidées à résoudre le mystère de la disparition d’Elizabeth. Parmi elles, Nora, la meilleure amie de cette dernière et future protagoniste du second tome de END… Nombre de questions restent en suspens, invitant le lecteur à se replonger de suite dans le livre pour vérifier qu’aucun indice ne lui aurait échappé. Mais de lecture en lecture, le mystère ne désépaissit pas, rendant l’intrigue définitivement obscure et captivante… Saurons-nous un jour le fin mot de l’histoire ?

Du point de vue esthétique, les omniprésents camaïeux de bleu et de vert rappellent les tonalités de la couverture du premier tome de Sky Doll. Mais l’univers ici, entre gothique victorien et Art Nouveau, est inédit et fascinant. Des décors aux personnages, le rendu – entre dessin traditionnel et dessin numérique, charme de par sa délicatesse et sa précision. La lumière crépusculaire qui baigne toutes les scènes nous fait osciller entre le rêve et le cauchemar et sert impeccablement les questionnements philosophiques, voire métaphysiques, posés par l’album. Une belle réussite…