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Bragelonne nous gratifie avec ce texte d'une véritable œuvre d'art. Temple est une ado qui erre dans un monde détruit infesté de "sacs à viande" (comprenez que les zombies ont remplacé les hommes sur la quasi totalité du globe). D'un lieu à l'autre, elle fait des rencontres et découvre des états qu'ont appelait autrefois unis.
Ce qui est fascinant dans ce récit c'est non seulement le style ciselé de son narrateur : simple, efficace et poétique le plus souvent mais aussi les retournements de situation, les rebondissements. Par exemple, cette fin où on a presque l'impression que cette fine couche d'embruns [nous] couvre le visage et les bras à nous aussi, comme si nous assistions et surtout comme si nous comprenions ce qu'est le monde, ce que représentent les hommes, leur grandeur et leur petitesse, au bord des chutes du Niagara. Tout à la fois un cliché et un message porteur d'un sens inouï. La vie et la mort prennent à travers ces lignes une signification parfois très profonde. C'est à dire que le plus important se cache souvent dans des évènements d'apparence mineure mais qui contiennent déjà en eux-seuls l'essentiel de ce pour quoi bat notre coeur. Nous en avons la preuve dès la première page du roman :
Dieu est un dieu roublard. Temple le sait. Elle le sait grâce à tous les miracles de pochettes surprises que lui réserve cette planète en ruine.
Comme ces poissons disco, près du rivage. C'était vraiment quelque chose, une pure merveille, sans commune mesure avec ce qu'elle avait pu voir jusque là. La nuit était alors bien avancée, mais la lune était si lumineuse qu'elle projetait des ombres profondes sur tout l'îlot. Si lumineuse qu'elle voyait presque mieux qu'en plein jour, comme si le soleil trahissait la vérité, comme si ses yeux étaient des yeux de nuit.
J'ai lu ce roman sur la plage et je n'ai pu m'empêcher de penser dès ce moment là et plusieurs fois par la suite, à la nouvelle de JD Salinger, A perfect day for bananafish (Un jour rêvé pour le poisson banane). Bref, que du bon à retenir ici. A lire avec le bruit de l'océan près de soi, pour ne pas oublier que notre passage sur terre n'est qu'un passage, mais qu'il peut être magnifique pour peu qu'on sache le voir et l'admirer.