Comment volera-t-on en 2050 ?

Publié le 31 mai 2012 par Toulouseweb
Les statistiques de trafic ne montent pas jusqu’au ciel.
Prédire l’avenir du transport aérien à l’échéance 2050 ? Il n’y a pas qu’ID Aéro qui s’y risque : cette semaine, c’est l’Académie de l’air et de l’espace qui se jette à l’eau, avec beaucoup de courage. Un colloque de deux jours pour confronter des idées intéressantes –mais pas toujours cohérentes- et un regard sur l’avenir qui, pour reprendre un mot très en vogue, interpelle.
La vedette en revient à Georges Ville, ancien directeur financier d’Airbus au sein d’Aerospatiale, passionné compétent du transport aérien, qui ne se déplace jamais sans sa boule de cristal. Il a expliqué que les statistiques ne monteront pas jusqu’au ciel, que les prévisions de trafic de la plupart des grands acteurs pêchent par optimisme. De ce fait, bons arguments à l’appui (mais ils sont évidemment invérifiables), il estime que le trafic aérien mondial ne progressera pas indéfiniment de 5% par an. «Ce n’est pas pertinent», affirme-t-il.
Georges Ville ne prêche pas dans le désert. Une preuve parmi d’autres : Philippe Jarry, qui fut notamment l’un des artisans du lancement de l’A380, adhère implicitement à cette thèse. Les passagers aériens ont été au nombre de 2,7 milliards en 2011, note-t-il, ils seront sans doute 7,7 milliards en 2050. En d’autres termes, le trafic ne doublera plus tous les 15 ans.
Prudent, Michel Wachenheim, représentant de la France auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale, ne prend pas position mais dit que le monde va profondément se transformer d’ici à 2050. Et d’affirmer que les équilibres, qui évoluent en permanence, vont conduire le trafic sous pavillon asiatique à être multiplié par 10 en 40 ans. Ce qui revient à dire que cette région du monde s’achemine vers un véritable leadership mondial.
Gilles Borde-Pagès, directeur des relations stratégiques d’Air France, adopte une autre attitude : «savoir comment nous volerons en 2050 est, pour les compagnies aériennes, une question presque secondaire, tant elles sont confrontées à des difficultés plus immédiates …comme celle de leur survie». L’affirmation donne des frissons, d’autant qu’elle est assortie d’autres interrogations. « Posons-nous la question de savoir si nous existerons encore en 2050, et sous quelle forme. Existerons-nous en tant que compagnie française ? » Voilà qui incite à la réflexion, d’autant qu’Air France est secouée en ce moment par de dangereuses turbulences. Le doute subsiste ? Voici le coup de massue final : «les 40 années à venir risquent d’être dramatiques pour notre secteur».
Tentative de retour à des questions moins angoissantes. Mais, à cet instant, on constate que Gilles Bordes-Pagès prédit un prix du kérosène voisin de 250 dollars le baril, limite au-delà de laquelle les carburants de substitution trouvent leur pleine justification. Mais, quelques instant plus tôt, Agnès Bénassy-Quéré, professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a annoncé à une audience de grands professionnels un peu perturbés que le pétrole, à échéance 40 ans, s’affichera à 152 dollars, à valeur constante. Si ce n’était déjà fait depuis longtemps, on y perdrait son latin.
L’Académie de l’air et l’espace a ainsi rendu vigueur aux insomnies des experts de tous bords. Dès lors, est-il vraiment utile de parler d’ailes volantes à 400 places ? Ou d’autres configurations qui tiennent plus ou moins de la science fiction ? Les avis sont partagés.
Pierre Sparaco - AeroMorning