La droite dénonce une chasse aux sorcières. Trois hauts responsables de la police ont été remplacés mercredi 30 mai: le directeur général de la police nationale Frédéric Péchenard, le directeur de la DCRI Bernard Squarcini et le préfet de police de Paris Michel Gaudin.
Les « sorcières » étaient bien visibles.
Et alors ?
Mais la véritable surprise est qu'ils n'aient pas été remplacés plus tôt.
Péchenard, l'ami qui couvre
Frédéric Péchenard a été nommé à la direction de la police nationale par Nicolas Sarkozy peu après son élection, le 11 juin 2007. Son prédécesseur était Michel Gaudin, un autre proche de Nicolas Sarkozy qui fut alors nommé préfet de police de Paris, en remplacement du chiraquien Pierre Mutz. A l'époque, personne n'avait crié à la chasse aux sorcières chiraquiennes.
En novembre 2008, la DCRI se jette sur une vingtaine d'altermondialistes à Tarnac soupçonnés de terrorisme. L'accusation n'est pas mince. Elle ne débouchera sur ... rien, excepté des mois d'emprisonnement pour 9 d'entre eux, et surtout leur présumé « leader ». Qui est à la manoeuvre ? Frédéric Péchenard. Quelques mois plus tard, son subordonné, Bernard Squarcini, révèle le bidonnage.
En février 2010, le tout-Paris se gausse de rumeurs d'adultère au sein du couple présidentiel. Nicolas Sarkozy a demandé à son ami Péchenard d'enquêter pour en connaître l'origine. Voici donc les services secrets mobilisés pour une affaire privée.
En juillet 2010, l'Elysée s'agace de la publication par le Monde de larges extraits des procès-verbaux d'audition de témoins dans le cadre de l'affaire Woerth/Bettencourt. La DCRI enquête. Il faudra attendre septembre 2011 pour entendre Frédéric Péchenard avouer l'espionnage de deux journalistes du Monde. L'affaire des « fadettes » fait grand bruit. En octobre 2011, Frédéric Péchenard est interrogé par les juges.
Péchenard n'est pas au chômage. Il a été nommé délégué interministériel à la sécurité routière.
Squarcini, le Squale du Président
Quand il était en poste, il s'en félicitait. Bernard Squarcini est l'un des très proches de Nicolas Sarkozy. Numéro deux des Renseignements généraux sous Jacques Chirac, il avait pris le parti de Nicolas Sarkozy pendant la guerre des droites après 1995.
En 2011, Bernard Squarcini est cité dans l'affaire Guérini, Jean-Noël et son frère Alexandre. Il aurait prévenu le président (socialiste) des Bouches-du-Rhône de quelques rebondissements de l'affaire. Le même Guérini, d'ailleurs, avait pris la fille de Squarcini en stage. Le monde est petit.
En septembre 2011, Pierre Péant publie son dernier ouvrage, « La République des Mallettes ». La Sarkofrance s'active pour créer quelques contre-feux. L'enquêteur révèle les relations troubles entre Squarcini et Alexandre Djouhri. Cet homme de l'ombre, proche de Dominique de Villepin ET de Claude Guéant a joué les intermédiaires dans de nombreuses ventes d'équipement militaire.
L'affaire des fadettes du Monde lui valut une mise en examen en bonne et due forme, en octobre 2011. Il resta en poste. S'il avait été patron du FBI (l'équivalent américain de la DCRI), Squarcini aurait été mis à pied sur le champ ou contraint à la démission. Mais nous étions en France, en Sarkofrance. Les amitiés sont fortes.
En novembre 2011, Squarcini dépêcha deux fonctionnaires de la DCRI pour « conseiller » au juge Marc Trévidic en charge de l'instruction sur l'attentat de Karachi de reconsidérer la thèse d’Al
Qaida. Cette affaire du Karachigate empoisonne la présidence Sarkozy depuis que ce juge a repris en main l'enquête en 2008.
En décembre 2011, le nom de Squarcini est mentionné dans une autre affaire: celle du cercle Wagram, un cercle de jeu qui a fait l'objet
d'une instruction pour blanchiment et d'un putsch entre bandes rivales. Bernard Squarcini est cité comme le protecteur de l'une des barmaids, ce
qu'il n'a pas nié. Il invoque les relations familiales.
En janvier dernier, un ouvrage, « L’Espion du Président » (d'Olivia Recasens et Christophe Labbé et Didier Hassoux, chez Robert Laffont), est consacré à Squarcini. On y apprend comment l'homme a organisé la DCRI qu'il dirige depuis sa création en juillet 2008. Et notamment l'existence d'équipes clandestines, baptisées
R1 pour les « sonorisations »; R2 chargée de « casser » les ordinateurs; et la « sous-division R » pour les écoutes illégales.
Gaudin, et la manipulation de l'IGS.
En janvier dernier, le Monde révèle le scandale de trop: « l'Inspection générale des services (IGS), la "police des polices", a
sciemment truqué, en 2007, une procédure portant sur un éventuel trafic
de titres de séjour au service des affaires réservées ». Et cinq fonctionnaires de police, jugés proches de Daniel Vaillant, l'ancien ministre de l'intérieur dans le gouvernement Jospin, ont été accusés, puis suspendus avant d'être blanchis... en 2011.
Les signataires des suspensions de ces 5 fonctionnaires, interrogés par les juges en décembre dernier, s'appellent Pascal Mailhos, l'ancien patron des renseignements généraux et ... Michel Gaudin, à l'époque préfet de police de Paris.
Pour finir, pourrait-on rappeler les désastreux résultats de ces trois en matière de lutte contre la délinquance ? Depuis 2002, et surtout 2007, les atteintes aux personnes n'ont cessé d'augmenter. Et qui juger responsable sinon les patrons de la police nationale ?
Et après ?
Jean-François Copé a accusé un retour à « l'Etat PS pur sucre », au motif que le successeur de Michel Gaudin, Bernard Boucault « a été chef de cabinet de Jacques Delors, ministre socialiste, conseiller
de Pierre Joxe, ministre socialiste, directeur adjoint du cabinet du
même Pierre Joxe, puis directeur de cabinet de Daniel Vaillant, ministre
socialiste ».
Copé avait peu à dire sur le remplaçant de Bernard Squarcini, Patrick Calvar. Ce dernier n'était autre que l'adjoint du premier, actuel patron de la Direction du Renseignement (DR) de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Difficile de critiquer.
Et que dire du troisième, celui qui remplace Frédéric Péchenard ? Claude Baland, ex-préfet du Languedoc Roussillon, son successeur, avait été directeur de l'administration de la police nationale (DAPN) entre 2001 et 2004. Claude Guéant n'était pas heureux de cette nomination, jugeant le promu manquant de « compétences policières affirmées ».
Sans rire ?