La galaxie elliptique Centaurus A assombrie par une barre centrale. De longs jets de gaz sont visibles à gauche en diagonale (agrandir l'image)
Le télescope de 2,2 mètres de l’Observatoire de La Silla (ESO) offre un portrait inégalé, riche en détails, de l’étrange galaxie Centaurus A distante de 12 millions d’années-lumière.
Connue des astronomes depuis plusieurs décennies pour être la plus puissante source d’émission radio du ciel, la galaxie Centaurus A – aussi désignée par NGC 5128 – se situe, comme son nom l’indique, au sein de la constellation australe du Centaure, à environ 12 millions d’années-lumière de nos télescopes (situer Centaurus A avec WikiSky). Dans la faune des galaxies, elle appartient à l’espèce des elliptiques géantes, caractérisée par la forme … elliptique et une masse très importante. Centaurus A déborde de centaines de milliards d’étoiles âgées, pour la plupart, de plusieurs milliards d’années … Comme on peut le constater sur toutes les images de cette galaxie, elle se distingue de ses semblables par cette barre sombre et voilée qui cache la partie centrale. Un modèle “perturbé”. Pour les astronomes, il s’agit du reliquat encore visible d’une galaxie spirale happée par la massive Centaurus A. Un festin qui a commencé il y a plusieurs millions d’années et dont on ne distingue plus que le squelette de gaz et de poussières …
L’image ci-dessus va plus loin que les précédentes, révélant des détails très fins, encore jamais observé avec autant d’acuité ! Il a fallu 50 heures de temps de pose à travers plusieurs filtres au foyer du télescope de 2,2 mètres de l’Observatoire de La Silla pour mettre en évidence de délicats et longs filaments rouges et roses traversant la galaxie. Leurs parcours semble épouser les jets radio émis par le trou noir central. Celui-ci, bien caché derrière le voile opaque des poussières et des milliards de luminaires stellaires, est un “poids lourds”de la catégorie “supermassif” qui affiche environ 100 millions de masses solaires ! Une partie de la matière qui tombe en spirale sur cet astre obscur est éjectée par ses pôles.
On distingue un jet relativement fin en diagonale gauche, sur le rebord de la galaxie. Sa distance du noyau – et du trou noir supermassif – est estimée à 30 000 années-lumière. Plus loin, hors du halo galactique et à environ 65 000 années-lumière, on aperçoit comme un prolongement du jet ou une extrémité. Il apparait plus effiloché et dispersé. Il se pourrait qu’il ait existé un jet dans la direction opposée, un jet fantôme dorénavant évanoui dans l’espace intergalactique.
La barre noire voilée qui entrave l’harmonie de l’immense galaxie elliptique apparait comme un sillon large et profond, une tranchée voire une plaie. Le noir pourrait être interprété comme du vide, une absence mais en réalité cette tranchée est remplie de poussières, de débris d’étoiles, de matière interstellaire froide. Entrelacée avec son hôte, la galaxie spirale est digérée. La collision est en voie d’achèvement.
En affichant l’image en pleine résolution (recommandé !), on se régale des détails. Les nébuleuses, nuages rosés en pleine floraison sont des champs en cultures accueillant déjà de vigoureuses progénitures, étoiles massives très chaudes et très brillantes, en même temps que d’autres plus modestes ou plus tardives attendent leurs tours. On les voit proliférer sur le pourtour de la barre centrale, dans les régions les plus denses en gaz et poussières. Elles sont comme l’écume, enfant de l’océan agité, un océan froid plus ou moins visible (infrarouge, radio, etc.), de gaz et de poussières.
De semblables jets fantômes ont été récemment découvert par Fermi (Gamma-ray Space Telescope). Inclinés de 15° par rapport au plan de la Voie Lactée, ils s’étendent sur plus de 27 000 années-lumière (voir image ci-dessous). Pour les chercheurs, ils pourraient avoir un lien avec les mystérieuses bulles de gaz chaud (rayonnement gamma) révélées en 2010 avec le même télescope spatial. Cette inflation pourrait refléter le disque d’accrétion qui entoure le trou noir central de notre galaxie. Paradoxalement invisible en dépit de ses 4 millions de masses solaires, le trou noir tapi au centre de la Voie Lactée nous dévoile progressivement son oeuvre (“l’oeuvre au noir” …). Eloigné de nous de 25 000 années-lumière, son activité semble actuellement ralentie.
Illustration des jets de gaz fantômes émis par le trou noir au centre de notre galaxie
Afficher et/ou télécharger l’image de Centaurus A en haute-résolution (29 Mb). Version “zoombale”.
Crédit photo et vidéo : ESO et NASA/Fermi.