Jean Todrani, poèmes

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

A nuit létale

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A nuit létale

un vent bouclé

Qui dit (mais

sur quel luth ?)

L’étroit ruisseau

des colportages.
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Bergers

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Bergers, ils regardent
les navigations revenir
où est l’heure
où est l’ici?

Demain le poil blond
aura blanchi
A l’horizon soudé
l’air fermera ses portes

Ainsi se referment
sous l’océan des herbes
le livre et le vallon.
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L’eau ne cesse

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L’eau ne cesse
d’user l’eau

Les vagues lourdes
défont les sables

Les ténèbres
nous pressent

A mots limés
souffrons ces choses.
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Tel sera le voyage

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Tel sera le voyage
qu’innocent convoite
et rêve d’accomplir

Un bastingage odorant
de lectures serrées

L’avant et l’après
à jamais confondus.
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L’orage

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L’orage tournant
viennent à nous
plumes écartelées
tant d’oiseaux

Ou bien tant
de pages blanches.

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Jean Todrani

Jean Todrani fut poète, traducteur (de l’italien, du portugais), critique littéraire particulièrement attaché à l’“extrême contemporain” et animateur de revues.

Né à Marseille le 19 septembre 1922, Jean Todrani a commencé de publier des poèmes en 1948 : dans Les Cahiers du Sud, auxquels il va collaborer jusqu’au dernier numéro (automne 1966), dans les Cahiers GLM dirigés par Guy Lévis Mano, qui devient son premier éditeur en 1952 et fera paraître cinq de ses recueils – ensemble au sein desquels on voudrait tout particulièrement retenir le dernier, Le Livre des visites (1961). Tout en s’affirmant – et bien qu’il n’ait jamais fait partie de leur comité de rédaction – comme l’un des principaux contributeurs des Cahiers, Jean Todrani rejoint vite l’autre revue d’importance née à Marseille au siècle dernier : Action poétique, cofondée en 1950 par Jean Malrieu et par son ami Gérald Neveu. Il y reste longtemps fidèle, publie un livre dans la collection attenante, “ Alluvions ” (14 poèmes en un acte, 1962), appartient à son comité de rédaction durant quelques années. Mais, dans l’espace des revues de création poétique et de réflexion sur la poésie, son apport essentiel est sans conteste la création, en 1967, de Manteia, dont il assure la direction jusqu’en 1974. Proche de Tel Quel sans en être pour autant une déclinaison, l’aventure de Manteia (qui a rassemblé, autour de son initiateur, les poètes Gérard Arseguel, Joseph Guglielmi, Jean-Jacques Viton…) voit l’écriture de Jean Todrani s’infléchir – tout comme celle de ses amis – vers un certain textualisme dont témoigne, par exemple, Studio (François-Pierre Lobies, 1982). Celui-ci n’a toutefois jamais oblitéré, chez lui, une attention profonde au vers, un souci constant, méticuleux et inventif, de la prosodie dont on peut mesurer les grandes réussites dans des livres comme Ou bien ou, plus encore, L’Inachevé (Comp’Act, 1989, 1995). Et n’a pas fait taire une sensualité présente dès les premiers textes ; concise, refusant l’épanchement mais tenant comme peu le poème pour le lieu d’une tension sexuelle fondamentale, instauratrice.

Œuvre abondante (vingt-quatre livres publiés) mais toujours un peu secrète que celle de Jean Todrani, fidèlement soutenue depuis vingt ans par Alin Anseeuw (Ecbolade) puis Henri Poncet (Comp’Act), depuis 1989 son principal éditeur et qui a proposé à l’automne 2005, en ouverture du n° 36-38 de la revue qu’il dirige, La Polygraphe, un vaste ensemble critique sur l’un des poètes clés de son catalogue : le premier à être consacré à celui dont Jacques Dupin a salué, à propos de son dernier ouvrage publié, Exploits (2003), la justesse de ton, la ténacité d’écrire, la force émotive.

Jean Todrani nous a quittés dans la nuit du vendredi 14 juillet 2006.

publications :
Tête noire, G.L.M., 1952.

Orpailleurs qui cherchez, G.L.M., 1952.
Ici est ailleurs, G.L.M., 1954.
Le plus clair du temps, G.L.M., 1954.
Proses de Camargue, hors commerce, 1958.
Mandragore, Cahiers du Sud, 1960.

Le livre des visites, G.L.M., 1961.
14 poèmes en un acte, Action Poétique, 1962.
Je parle de l’obscur, la Fenête ardente, 1963.
Neuf poèmes d’amour, la Fenêtre ardente, 1966.
Cano, P.-J. Oswald, 1967.

Cessez de comprendre, Gramma, 1979.
Studio, Éditions Lobies, Gramma, 1982.
Gioconda, la Répétition, 1984.
D’où viens-tu, toi qui t’en vas ? Ecbolade, 1985.

Comme, Ecbolade, 1987.
Ou bien, Comp’Act, 1989.
Jusqu’aux enfin, André Dimanche, 1990.
Le livre et le vallon, Éditions E.D., 1994.
L’inachevé, Comp’Act, 1995.

Sudor facil, Comp’Act, 1997.
Les idées inconnues, Comp’Act, 2000.
Exploits, Comp’Act, 2003.

Traductions du portugais et de l’italien. A collaboré à : Cahiers du Sud, Action Poétique, Passerelles, Banana Split, Manteïa, If, Java, etc.