Fantastique Mr Scott. Non content d’être l’un des maîtres du genre (si, si, cherchez bien : ALIEN, BLADE RUNNER…), voilà que Ridley Scott se décidait à nous resservir de la science fiction sur grand écran. Et il en rajoutait une couche, car après plus de trente ans d’angoisse, il revendiquait même pouvoir compléter sa plus belle création, ALIEN, d’un préquel. Pour autant les derniers mois auront été habilement manœuvrés par un marketing ciselé, ne nous livrant que peu les clés de son dernier long, PROMETHEUS. La réponse est au final aussi vaste que la question, car si PROMETHEUS marque bel et bien sa filiation avec le film de 1979, Ridley Scott en profite pour creuser le sillon de son empreinte dans le genre. Loin devant les dernières tentatives du genre, il nous ressert sans commune mesure un vrai bon film de science fiction.
PROMETHEUS débute avec une découverte en Ecosse, pour mieux se catapulter en plein espace (là où personne ne vous entend crier). Nous voilà avec la première expédition terrienne dans le grand vide intersidéral. Nous sommes en 2092 et nos amis humains cherchent la vérité sur nos créateurs. Non, pas Dieu et sa barbe assis sur un trône dans les nuages, mais sur des extraterrestres qui nous auraient visités voici quelques dizaines de milliers d’années et auraient contribué à notre développement. Des anges gardiens en sommes, ou de grands Ingénieurs qui feraient mumuse avec des planètes entières. Arrivés sur la planète visé, notre petit groupe d’explorateurs se la rejouent ALIEN version mécha, avec certes toutes les invraisemblances du genre (que l’on pensait dépasser, du genre « tiens, si j’allais me promener seul dans ce grand tunnel sombre » ou autre « faut pas toucher mais je le fais quand même, aïe ça pique »), mais qui font avancer le récit. Non honteux de vouloir remettre au pied du mur la science fiction, PROMETHEUS n’est pas si éloigné d’une nouvelle tel que les écrivaient Ray Bradbury ou Arthur C. Clarke, avec une histoire ramassée (un groupe d’explorateurs batifolent sur une planète qu’ils découvrent) dont les limites deviennent leur nouveau terrain de jeu.
De cette manière, Scott parvient à nous servir un film totalement nouveau, parfaitement maîtrisé sur la forme (même la 3D est pour cette fois séduisante, mais pas forcément encore totalement utile). Si on peut y voir quelques lacunes scénaristiques (des trous dans l’histoire qui déconcertent un peu), l’ensemble est d’une puissance rarement vu. Outre un casting hallucinant (celui d’ALIEN était pas mal non plus, il faut le concéder), composé de Noomi Rapace, Charlize Theron, Idris Elba, Michael Fassbender et consorts, PROMETHEUS est un film aux grandes finitions, un hommage au genre et à ses influences. Si Giger est évidemment omniprésent dans les décors et les créatures (sans vous révéler pourquoi, mais elles sont ici multiples, avec délice), on pense énormément, et avec ironie, à Jean Giraud a.k.a. Moebius, disparu voici quelques semaines. L’ampleur de l’histoire au fond (les grands principes, les idées religion versus science, une des marottes du co-scénariste Damon Lindelof) et la minutie des scènes nous impose ici un nouveau grand film de science fiction, qui départagera forcément.
Loin d’être universel, PROMETHEUS ne peut faire l’unanimité. Forgé à l’ancienne, explorant des idées et une conscience humaine encore frêle à l’image de l’univers (voir les yeux ébahis du personnage de Michael Fassbender, oiu juste l’inconscience d’une expédition qui ignore où elle met les pieds), PROMETHEUS se veut unique et insoluble. Nul autre qu’un grand réalisateur aurait pu mettre cela en images, et parmi les quelques postulants Ridley Scott excelle. Pour tous, il restera tout de même de grands paysages, des visuels hallucinants et non sans second degré la conception d’une des créatures les plus connues du bestiaire cinématographique, ALIEN.