Alain Aubin
MUSIQUES DE MOZART ET DU CHEVALIER DE SAINT-GEORGES ENSEMBLE BAROQUES GRAFFITI MUSIQUE
Jean-Paul Serra
Le chevalier de Saint-Georges est le fils d'une esclave noire et d’un aristocrate français. Il est considéré de son temps et par ses pairs comme le meilleur chef d'orchestre du royaume de France mais également comme un violoniste et escrimeur hors pair : un Monostatos en quelque sorte !
En 1777, lors de son second séjour parisien, Wolfgang Amadeus Mozart rencontrera le chevalier de Saint-Georges. Cependant, le jeune compositeur autrichien ne parlera jamais de cette rencontre dans sa correspondance… Par jalousie ? Par racisme ?
Le programme de ce spectacle pour contre-ténor et pianoforte confrontera les univers de ces deux compositeurs au travers de mélodies et de textes.
Le printemps
Au penchant de cette colline
Mon coursier hors d’haleine
Dors mon enfant
Quand j’avais le cœur d’Annette
Cruel amour Volage
En vain des tourments de l’absence
Die Alte
An die Freude Gesellenreise
Ich wûrd auf meinem
Pfad Das leid der Trennung
Warnung
Abendempfindung
A lire le très bel article LUMIERE NOIRE de Monsieur Yves BERGE du journal ZIBELINE : http://www.journalzibeline.fr/
1778 : Paris, le Siècle des Lumières, l’esprit critique, la tolérance, prévalent sur les dogmes religieux. Mozart est avec sa mère, pour un long voyage chez ces français qu’il déteste. Une table, côté cour pour les correspondances de Wolfgang avec son père Léopold. Côté jardin, la table des correspondances de Joseph Bologne de Saint George à son père. Destins croisés : le divin Mozart et le mulâtre, fils d’esclave sénégalaise et d’aristocrate français. Alain Aubin nous conte voyages et rencontres. Joseph est le Maître de Musique de Marie-Antoinette, violoniste virtuose, escrimeur réputé, d’une grande beauté : il brigue le poste de surintendant de la musique. Deux cantatrices ne veulent pas chanter devant un nègre. Une violente polémique raciste se développe. « Mon cher père, tous les espoirs de mariage se sont évanouis. Aucune femme de la noblesse ne semble accepter d’épouser l’enfant d’une esclave ! » Des romances entourent ces lectures, dont la sublime : Dors mon enfant, graves veloutés d’Alain Aubin et des aigus pianissimi suspendus, d’une étrange beauté. Mozart est furieux : « Mon cher père : vous ne pouvez imaginer comment ces ânes de français ont bâclé ma symphonie ! » Warnung chanté en voix de baryton, voix naturelle d’Alain Aubin, résonne, tandis que Jean-Paul Serra (Baroque Graffiti) distille avec intelligence les belles sonorités d’un pianoforte très élégant. Quatre sonates de Haydn jalonnent ces moments : magnifique Adagio de la Sonate en si mineur, superbement interprétée. Mon très cher père : ma mère s’est endormie saintement en Dieu… Abendempfindung, (c’est le soir, le soleil a disparu…) si proche de Schubert, est un moment magique dans ce récital touchant. Qui malgré son érudition n’est pas un spectacle pour érudits, où un narrateur pompeux serait doublé d’un chanteur précieux, mais un moment à la fois tendre et pesant, d’un éclectisme vocal assumé : voix de poitrine, de tête, changements d’octaves subits (le merveilleux : Amant discret) piani aériens, graves charnus…Alain Aubin poursuit sa quête du sens plutôt que du style : Joseph rejoint le mouvement des Lumières puis crée un mouvement de noirs et métis pour défendre la patrie en danger. Alain Aubin lit: 4000 noirs évadés des camps de concentration nazis, ont rejoint la Résistance. Un Mozart révolté, et ce Nègre des Lumières, nous rappellent que la musique peut s’engager puissamment dans les combats de son temps.
YVES BERGÉ
Mozart et le Don Juan noir a été créé au Théâtre Gyptis du 22 au 24 mai
Théâtre Gyptis, 136 rue Loubon, 13003 Marseille, 04 91 11 00 91