Le gouvernement péruvien a décrété dans la nuit de lundi l’état d’urgence face à des manifestations de mineurs, pour la seconde fois depuis l’élection à la présidence du socialiste Ollanta Humala il y a 10 mois.
Espinar. Crédit Irradiador.com
La mesure, qui concerne la province d’Espinar dans le sud-est du Pérou, a été prise après 8 jours de heurts avec la police. Lundi, deux civils ont été tués et une cinquantaine de personnes blessées dont 30 policiers, selon le ministère de l’Intérieur. Pendant 30 jours, les garanties constitutionnelles concernant la liberté de réunion et de circulation sont suspendues.
A l’origine de cette radicalisation, l’échec des négociations du gouvernement de Ollanta Humala lundi matin avec le Front de Défense d’Espinar, qui accuse le groupe suisse Xstrata Tintaya de polluer les cours d’eau en exploitant une mine de cuivre et
demande un audit international. 1200 policiers protègent actuellement les installations de Xstrata au sud du pays. Le maire de la province d’Espinar, Oscar Mollohuanca, a déposé le 24 novembre 2011 une plainte contre l’entreprise au motif de mise en péril de la santé. D’après la Confédération Nationale des Communautés du Pérou Affectées par l’activité Minière (Conacami), des enquêtes indépendantes menées dans la région ont démontré que la teneur en métaux lourds de l’eau potable dépasse de multiples fois les valeurs limites, ce qu’a infirmé aujourd’hui le groupe par communiqué, tout en assurant vouloir des études complémentaires. Xstrata Tintaya, qui a racheté le gisement en question au géant minier BHP Billion en 2006 et a promis 1,5 milliards d’investissements d’ici 2015, est aussi accusée de pollution en Colombie autour de la mine de Cerrejon.Grands Projets
C’est la question de l’accès à l’eau qui se joue au Pérou, comme dans de nombreux pays d’Amérique Latine. Dans un pays qui compte parmi les mieux dotés en eau au monde selon l’Autorité Nationale de l’Eau péruvienne, 25% des 11 millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau courante. Un Plan National des Ressources Hydriques a été lancé à la fin des années 2000 face à cette réalité, mais les grands projets mis en
place, comme Chavimochic ou Majes Siguas II, accélèrent la désertification de l’intérieur du pays et dans la capitale, Lima. C’est la Banque Mondiale qui avait proposé ce genre de projets dans les années 1970, afin de rendre les vallées côtières verdoyantes. L’opposition dénonce un manque de volonté politique d’investissement en infrastructures, pour que l’eau puisse parvenir à tous, et la consommation toujours grandissante des groupes miniers. Est aussi critiquée la dichotomie normative entre la loi de 2009 qui protège les sources d’eau et la loi qui permet aux entreprises minières de les exploiter.Pollution et opposition
En mars, le Défenseur du peuple péruvien Eduardo Vega a déclaré que sur 152 conflits sociaux cette année, 133 sont d’origine environnementale, “à cause de l’augmentation des investissements dans l’industrie minière.” Les dialogues ne donnent rien, le gouvernement cherche à gagner du temps pour empocher les bénéfices de cette nouvelle manne, mais pendant ce temps la colère s’accumule.
Jeudi dernier une nouvelle grève générale a été décidée à Cajamarca, contre le projet Conga de l’Américain Newmont. Les grèves et blocus ont débuté à la mi-novembre 2011
dans cette région du nord du Pérou contre ce projet d’extraction d’or et de cuivre à ciel ouvert, à 3500 mètres d’altitude, où naissent les sources de rivières irriguant les vallées fertiles de toute la région et la ville de Cajamarca (220 000 habitants).En février, un millier d’autochtones avaient parcourus 860 kilomètres à pied jusqu’à la capitale en signe de protestation.Ollanta Humala doit affronter ses contradictions. Il a promulgué en septembre 2011 une loi qui rend obligatoire l’approbation des communautés locales pour l’implantation d’une nouvelle mine, et s’est prononcé pendant la campagne électorale en faveur de mécanismes de consultation populaire, au point mort. Le conflit minier concernant 2000 employés de la raffinerie Doe run à La Oroya dans le centre du pays n’est toujours pas résolu, 4 ans après les premières amendes pour pollution. La Oroya est l’un des dix villes les plus polluées au monde, en particulier avec le plomb et l’arsenic.