La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite )
Au XVIII° siècle, il existe encore deux jours d’abstinence par semaine : le vendredi et le samedi. Les boucheries sont fermés. Plus tard elles auront le droit d’ouvrir, mais ne pourront servir que les malades qui produisent une dispense écrite signée d’un ecclésiastique. Le autres jeûnent et mangent du poisson.
Un service de « chasse-marée » existe entre les côtes et les villes et même entre Dieppe et Paris ; le poisson est apporté vivant en barils plein d’eau de mer. Mais le prix du poisson est fort augmenté du prix de ce transport et même le poisson de rivière est cher et en quantité insuffisante pour la demande surtout en temps de carême. Une fois servis les grands et les riches, il ne reste plus rien de valable et la population doit se rabattre sur le thon, la morue, les sardines et surtout le hareng. Sa Majesté le hareng, saur ou pas , demeure une valeur sûre dans toute l’Europe du XVIII° siècle. La morue lui dispute cette prépondérance et les morutiers français s’attaquent aux harenguiers anglais et hollandais avec la bénédiction du Roi de France. Cette guerre sans merci, commentée par Cromwell en 1648, ne prendra fin qu’en 1904 ; coupée de trêves, de violations et de traités, elle est l’un des plus longs différents de l’histoire.
Les morues sont salées à bord et dessalées et séchées à terre. Elles sont séchées en plein air et soumises aux aléas d’un soleil trop ardent ou d’une pluie inopinée. Il faudra attendre le XIX° siècle pour voir la création de sécheries fermées, chauffées et ventilées.
Les sécheries de Bordeaux et de Port-de-Bouc sont les plus importantes de France.
Les sardines sont salées, pressées dans des barils et sauries comme les harengs, ou conservées dans une saumure concentrée.
Le thon rouge de Méditerranée et le thon blanc de l’océan sont mis à mariner et constituent un compromis entre le poisson frais et le poisson conservé.
Un écaillère au XVIII° siècle : les huîtres sont abondantes mais chères.
La Renaissance a redécouvert avec éclat les huîtres, oubliées depuis l’Antiquité. Le long des côtes les bancs d’huîtres existent toujours depuis qu’ils ont été exploités par les Gaulois, mais les riverains ne les apprécient guère : en Bretagne, on en fait de la chaux !
Aussi, lorsque la demande vient des villes, les gens des côtes se mettent à les ramasser sans aucun discernement. Vers 1650, on tire 50 millions d’huîtres par an des bancs du Mont Saint-Michel, en 1774, 77 millions et en 1784, 100 millions. Cette exploitation intensive et non contrôlée a raison de l’abondance et au milieu du XIX° siècle, les huîtrières françaises, hollandaises, anglaises et allemandes sont à peu près ruinées. On doit, pour leur rendre vie, retrouver la technique romaine oubliée de l’ostréiculture.
Au XVIII° siècle, seuls les nobles et les riches peuvent s’offrir les huîtres qui sont abondantes, mais chères, car le transport ce cette marchandises lourde est coûteux. La Cour en consomme de grandes quantités : on ne parle pas de douzaine, mais de cent ! Henri IV mangeait, dit-on, trois cents huîtres à son dîner. Et il en faut plusieurs centaines pour » un souper d’huîtres » qui réunit quelques gourmets.
Le » Gazetin du Comestible « de 1767 explique :
» Il y a à Marennes deux sortes d’huîtres d’une qualité différente qui se vendent et reviennent à Paris au même prix ; les premières sont celles du pays ; elles ont un goût agréable et doux, la coquille est large, plate et fort légère ; on les vend après les avoir gardées dans des réservoirs appelés vulgairement claies. Leur couleur verte est un effet naturel des terrains et de la vase qui se trouvent dans ces réservoirs. Les huîtres de la seconde espèce, et qui retiennent également le nom d’huîtres de Marennes, sont celles que les sauniers achètent aux pêcheurs bretons, leur qualité est de beaucoup inférieure aux premières ; leur coque est grosse et fort pesante et la couleur verte est l’effet du dépôt qu’on en fait dans divers réservoirs dans lesquels on les met successivement « .
» Ce porteur d’eau a bien la mine de convertir son eau en vin et d’en boire tant de chopines, qu’il avalera tout son gain «
A suivre…
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française : de Henriette Parenté et Geneviève de Ternant