Oh la belle bourle !

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J'aurais pu vous faire une petite devinette avec ma photo du dimanche, mais je n'ai pas eu le temps de vous pondre le billet... tant pis ! Je vais donc vous dévoiler les secrets de ces étranges objets...

Vendredi soir, avec un groupe d'amis que nous voyons régulièrement depuis plusieurs années pour faire des soirées jeux (allant du plus sérieux au plus débile...), nous sommes allés dans une bourloire, un lieu typique du Chnord, à découvrir !

Mais qu'est-ce donc que la bourle ? La bourle, c'est un jeu, qui peut se jouer de 2 à une vingtaine de personnes puiqu'on joue en deux équipes. L'origine de ce jeu se perd dans la nuit des temps, et le plus ancien document retrouvé est un extrait des bans échevinaux de Lille du 4 août 1382, interdisant la pratique du jeu de bourle sur la voie publique sous peine d'une amende de 60 sols, ou de la castagne de la verge. Il parait que ce jeu viendrait des marins hollandais qui, quand leur bateau était à quai, jouaient à fond de cale pour tromper l'ennui, en lançant les boules de fromage d'edam.

D'où la forme de la bourle qui ressemble effectivement à un gros fromage... mais son poids peut varier de 1,5 kg (ce que nous avons utilisé) à 8 kg ! Les bourles sont fabriquées en noyer, gaïac, québracho, orme (des bois durs) suivant les régions où on la pratique, et de nos jours en canéasite (résine de synthèse).

On joue dans une bourloire, piste le plus souvent installée à l'arrière d'un café ou d'un cercle associatif, et les pistes sont maintenant toutes couvertes. Mesurant plus de 20 mètres de long, elles sont incurvées et concaves sur une largeur d'environ 3 mètres. Les plus anciennes sont faites à base d'un mélange de terre, d'argile, de bouse de vache, sable, sel et résidus de bière... A chaque extrémité, un fossé, et il est de bon ton de crier, quand la bourle de l'équipe ennemie va y tomber : "au cul ! au cul !"

La règle du jeu est simplissime : comme à la pétanque, il faut approcher au maximum d'un point dessiné sur le sol, l'étaque. Ce qui est bien plus compliqué est le maniement de la bourle, que l'on a tendance à lancer à toute force et qui donc va directement dans "le cul". Il faut en effet doser sa force, et surtout jouer sur les effets : celui de la piste qui est incurvée et celui de l'objet qui est un chouïa plus gros d'un coté que de l'autre. Pas évident du tout !

Autrefois LE jeu du Nord (il y a eu jusqu'à 200 terrains de bourle à Tourcoing au début du siècle), ce jeu est malheureusement en perdition et il n'en reste que très peu encore en état.

Nous avons été initiés par Yves, président (je crois) de la fédération de Wattrelos et son acolyte Laurent, qui nous ont impressionnés par leurs tirs tout en finesse et droit au but. Un beau moment de convivialité et de rires, comme on les aime ici, arrosé bien sûr de bière fraîche !

Une particularité très intéressante du café-bourloire où nous étions ce soir-là est qu'on y trouve la dernière caisse d'épargne privée du Nord. C'est une sorte de boite sur un mur, avec de petites encoches pour y glisser des billets et une targette "pousse-billets". On y recueille les économies des habitués, dont les noms sont notés. Chaque semaine, Martine, la patronne du bar, place les économies à la caisse d'épargne sur un compte commun à tous. Chacun peut reprendre la somme versée quand il le veut et les intérêts servent à offrir un petit voyage d'agrément à tout le groupe en fin d'année.