En France, la défense des consommateurs est très développée, bien organisée, et encouragée par diverses institutions compétentes et attentives. Reste le fait que le dialogue entre voyageurs, compagnies aériennes, voyagistes et agences de voyages reste difficile, parfois tendu, de temps à autre franchement conflictuel. Il est vrai que les problèmes ne manquent pas, en marge de retards et annulations de vol, principalement, mais aussi en raison de litiges liés à des bagages perdus ou encore, dans le tourisme, à des prestations non respectées et, de manière plus générale, des plaintes qualitatives. Mais il s’agit aussi de sortir une fois pour toutes de l’opposition entre «pauvres passagers» et «méchantes compagnies»…
En ces matières, il reste beaucoup à faire. D’autant que la liste des conflits les plus fréquents inclut les cas de force majeure dont la définition peut faire l’objet d’interprétations divergentes. Et pas toujours avec bon sens, quand entre en scène une éruption de volcan ou encore un événement d’ordre géopolitique. Ou encore des incidents de parcours graves comme la faillite de transporteurs, les exemples les plus récents étant ceux de Spanair et Malev. Autant de thèmes qui ont été abordés tout au long d’un colloque organisé à Aix-en-Provence par l’Institut de formation universitaire et de recherche du transport aérien (IFURTA).
Au-delà de l’action volontariste de la Commission européenne, qui dispose d’une unité «droits des passagers», de la DGAC, de SOS Voyageurs, etc., de la notion de compensation standardisée et immédiate, de la notion d’assistance en cas de grands retards, d’une bonne gestion des plaintes, une notion nouvelle gagne en importance, celle de la médiation. Parlant au nom de la direction générale Mobilité et Transport de la Commission, Jean-Louis Colson a souligné l’intérêt de résoudre les différends sans aller devant un tribunal, d’envisager de nouvelles propositions législatives permettant de trouver des solutions qui satisfassent les parties en présence.
S’installe ainsi le mot clef «médiation». Il est précisément mis en exergue par Martine Mérigeau, qui dirige le Centre européen de la consommation, et regroupe une cinquantaine de membres, dont dix députés européens et diverses associations. Son objectif : promouvoir une culture de la médiation et du règlement à l’amiable, face à des voyageurs «un peu perdus». D’autant que des problématiques nouvelles apparaissent, par exemple en marge du commerce électronique, c’est-à-dire le développement exponentiel des ventes directes sur Internet.
L’innovation marquante la plus récente est probablement l’entrée en fonction d’un médiateur du tourisme et des voyages, un nouvel acteur qui relève précisément d’une volonté de rechercher la médiation, de préférence au procès. Jean-Pierre Teyssier, investi de cette fonction, a entamé son travail au début de cette année et espère pouvoir agir plus rapidement que les canaux traditionnels et mieux défendre les consommateurs. Il parle de «fluidifier et réguler», un programme plus vaste et plus délicat qu’il n’y paraît à première vue.
L’entrée en scène de ce médiateur est intéressante à plus d’un point de vue. D’autant qu’il est nommé pour une durée de 3 ans, ne peut être révoqué, formule des avis en équité et en droit et, surtout, ne reçoit aucune directive de qui que ce soit, étant entendu que la saisine est gratuite. Jean-Pierre Teyssier a expliqué à la tribune de l’IFURTA qu’il s’appuie sur des règles de bon sens, s’efforce de s’en tenir à la réalité des faits et cherche à «aller au-delà du droit mais dans le respect du droit». Ce qui suppose, à n’en pas douter, une bonne dose de psychologie.
Les services du médiateur n’ont pas de contraintes, si ce n’est que sera publié un rapport annuel. Ce document, à n’en pas douter, sera lu avec la plus grande attention dans la mesure où il aura forcément une allure de bilan de l’évolution des attentes et des difficultés que rencontrent les voyageurs. Plus de 200 dossiers ont déjà été traités et permettent de confirmer que retards et annulations de vols dominent, 68% d’entre eux concernant des forfaits, le solde des vols «secs».
Ce sont là, tout bien réfléchi, des préoccupations propres à un secteur économique maintenant arrivé à maturité. Le tourisme, outre son rôle croissant au sein de notre société, affiche un poids économique considérable, la France étant la première destination touristique du monde. Notre pays reçoit près de 80 millions de visiteurs par an en même temps qu’il exporte des touristes nombreux qui exigent que le consumérisme bien compris soit au diapason. Une rude tâche.
Pierre Sparaco - AeroMorning