Toujours un réel plaisir de retrouver les boys de Karkwa, comme ce fut le cas mercredi, à quelques jours de la parution de leur disque Karkwa Live, disponible mardi prochain. En fait, on avait l’impression que le sentiment était le même… entre eux.
Par Philippe Rezzonico
Pour le journaliste, c’était une première «rencontre» avec le band depuis le spectacle du groupe au Métropolis en décembre dernier, mais il était évident que Louis-Jean Cormier, François Lafontaine, Stéphane Bergeron, Martin Lamontagne et Julien Sagot n’ont pas multiplié les réunions depuis lors. Il y a des tas de signes qui ne trompent pas.
Tu regardes la pochette du disque physique de Karkwa, cartonnée, mais dépourvue de livret digne de ce nom, exempte de photos de la tournée de deux ans qui a fait connaître le groupe québécois hors de nos frontières, et tu te dis que c’est un peu court.
Tu regardes la sélection - 13 titres sur un compact simple – et tu te souviens que le spectacle du Métropolis frisait la barre des deux heures trente minutes (150 minutes).
Tu te souviens aussi de la conférence de presse au pub Saint-Élizabeth en décembre 2011, quand on a remis la plaque du disque d’or pour Les chemins de verre. C’est à cette occasion que le groupe a annoncé que les spectacles de décembre à Montréal et Québec (L’Impérial) allaient être les derniers avant une « pause » et qu’un disque de spectacle allait voir le jour.
Disque commémoratif probablement bicéphale (audio/vidéo) qui allait vraisemblablement inclure des clips, des raretés et, peut-être même des inédites, nous annonçait-on. Rien de ça.
Bref, pas mal de déductions dignes d’un apprenti Sherlock Holmes faites avant même de prendre place à l’une des tables du resto, La salle à manger, en face du quintette. D’où la première question à laquelle personne ne s’est défilé : Que s’est-il passé ?
Bourreaux de travail
«Le temps nous a rattrapé, admet Cormier, sans ambages. Et puis, sortir trois ou quatre inédits à la va-vite…»
«Ça nous tentait pas de replonger», confirme Lafontaine.
- Vous pourrez vous reprendre quand vous ferez l’album Greatest Hits de Karkwa.
«On a jamais eu de hits », réplique Lafontaine, sourire en coin.
La réalité, c’est que l’agenda de certains membres de Karkwa était chargé quand ce disque a été annoncé. Lafontaine était en train de compléter la production de l’album de sa blonde, Marie-Pier Arthur, Cormier était en studio afin de produire celui de Lisa LeBlanc, et Julien Sagot peaufinait son premier album solo, Piano mal. Difficile de passer des heures en groupe en studio afin de visionner des extraits ou de dénicher des raretés au sein de ton catalogue.
Et puis, on le sait tous, les gars sont ensemble depuis plus d’une décennie. Ils ont tout vu, tout fait, tout vécu ensemble. Les voyages ont laissé des traces. Il faut entendre François et Julien parler avec ironie de ce concert à Copenhague où les gars ont joué devant une salle qui comptait peut-être moins de spectateurs que le total de personnes qui s’affairaient à préparer le repas dans le restaurant dans lequel nous étions. Et, bien sûr, il y a les bébés pour quatre d’entre eux.
J’étais aux premières loges pour mesurer tout cela, ayant suivi ce groupe partout ces dernières années : les lancements d’albums, les entrevues systématiques à chaque parution, toutes les rentrées, la folie entourant l’obtention du Prix Polaris l’année où je faisais partie du jury, la controverse du Globe and Mail liée à cette même remise, l’incendie provoqué par la vente des droits de la chanson Le Pyromane éteint avec quelques canettes de boisson gazeuse, le showcase avec Radio Radio et The Sadies dans les rues de Toronto devant une foule de curieux qui découvrait le band, la marée humaine en première partie d’Arcade Fire sur la Place des festivals, et, bien sûr, cet ultime show à Montréal, où les membres du groupe étaient festifs et émus, tout à la fois.
Le Karkwa de scène
«Le live audio démontre parfaitement ce qu’est Karkwa sur scène, note Cormier. Notre cohésion, notre spontanéité… Je ne suis pas un grand consommateur de DVD. Les yeux, c’est parfois trompeur.»
N’empêche, une fois la décision prise de faire un compact simple, le groupe faisait face à la sempiternelle question liée à l’espace (environ 80 minutes) : quelles chansons met-on sur le disque?
Il y avait des évidences comme les titres-phares de l’album Les chemins de verre (Le Pyromane, L’acouphène, Moi-Léger, Marie tu pleures), mais il fallait aussi trancher pour les autres.
«L’épaule froide s’est imposée, note Lafontaine. C’est l’une de nos plus vieilles chansons, mais c’est surtout l’une de nos chansons qui a le plus évolué en spectacle depuis sa création. Un peu comme Le Compteur. La Facade, on était pas sûrs au départ. »
Et, au final, quel titre est-on déçu de ne pas avoir inclus sur le disque ?
« Mmm.. 28 jours, je dirais », note Cormier.
La suite…
Les gars l’ont dit, pause il allait y avoir. Et pause collective il y a. Définitive? Personne n’ose s’avancer là-dessus. Tant de groupes ont officiellement sabordé le navire pour se regrouper cinq, dix ou 15 ans plus tard en se faisait traiter d’opportunistes. On sent que Karkwa veut éviter ce piège.
Cela dit, il semble tout aussi évident que cette pause prévue pour 2012 risque d’être plus longue que courte puisque personne n’ose avancer de date pour un retour.
«Personnellement, ça me prend une bonne cassure, note Louis-Jean. Et ça ne peut pas se faire s’il y a une date officielle de retour. Oui, il y a eu des casse-tête pour des « check-in » dans des hôtels, des problèmes avec des bagages, mais jamais aucun ennui sur scène avec les gars.»
«On est comme un bon front line au hockey, renchéri Lafontaine. Sur la glace, on joue du gros hockey.»
Et il faut admettre que les boys ont – encore – un agenda bien chargé.
Lafontaine, de concert avec Éloi Painchaud, travaille sur le disque à venir de Elisapie Isaac. Il est aussi de la tournée de Marie-Pier Arthur, il planche sur un projet de film et sur un album de musique instrumentale.
Cormier est en studio pour la préparation de son premier disque solo et il aura le rôle principal dans le film portant sur l’œuvre de Gaston Miron, L’homme rapaillé.
Julien Sagot est en tournée estivale et il est déjà à l’écriture du prochain disque, Martin Lamontagne accompagne Sagot en tournée, tandis que Stéphane Bergeron sera le batteur et/ou arrangeur de cinq spectacles à venir d’artistes différents, notamment Frank Deware durant les FrancoFolies.
Bref, personne n’est au chômage. Serait-ce, comme les plus pessimistes le pensent, la fin de Karkwa?
«Je m’ennuie déjà de brancher mon ampli et de jammer avec les gars », précise Cormier.
O.K… Ce ne sera peut-être pas un adieu. Juste un au revoir prolongé.
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Karkwa, Karkwa Live (Simone Records), disponible en magasin et en ligne mardi.
Article publié le 27 mai 2012 sur Rue Rezzonico