Selon les affirmations d’un chroniqueur américain, Barack Obama serait, chiffres à l’appui, le président des États-Unis le moins dépensier. Est-ce vraiment le cas ? Analyse.
Par Daniel J. Mitchell, depuis les États-Unis.
Un chroniqueur financier nommé Rex Nutting vient de déclencher une vive polémique en affirmant que Barack Obama n’est pas un grand dépensier.
À certains égards, ces chiffres ne me surprennent pas. J’ai déjà expliqué que Bush porte une grande part de responsabilité dans l’expansion du poids de l’État au cours de ce siècle, et j’ai plus précisément souligné qu’il était fautif de la majeure partie du surcroît de dépenses de l’exercice 2009 (engagées le 1er octobre 2008).
Ceci étant dit, les chiffres de Nutting peuvent surprendre. En fait, ceux-ci semblent manquer de précision : on le voit dans le fait de choisir d’attribuer à Obama la responsabilité des 140 milliards de dollars de dépenses engagées par Bush au cours de l’exercice précédent (chiffre qu’il aurait pu trouver dans l’un de mes billets).
Mais parfois, les apparences sont trompeuses, aussi ai-je décidé d’approfondir les données.
À partir de l’historique des budgets, fourni par l’Office of Management and Budget (OMB), j’ai calculé tous les chiffres pour chaque président depuis Lyndon B. Johnson (LBJ) — à l’exception de Gerald Ford, qu’il ne me semblait pas utile d’inclure compte tenu de son mandat de deux ans.
J’ai rectifié la grosse lacune de l’analyse de Nutting en corrigeant les chiffres de l’inflation, à l’aide du déflateur du PIB de l’OMB.
Mais j’ai alors pensé que nous devrions tenir compte des effets des intérêts de la dette sur le budget et nous intéresser aux « dépenses primaires » corrigées de l’inflation. Après tout, les présidents ne doivent pas être tenus pour responsables de la dette publique qui existait avant leur entrée en fonction.
Mais je ne voudrais pas me fâcher avec mes amis républicains, alors poursuivons notre analyse. De même que nous voulions éviter de rendre les présidents responsables du montant des intérêts de la dette accumulée avant leur mandat, peut-être devrions-nous nous assurer qu’ils ne portent pas le chapeau des dépenses de défense souvent dictées par des événements extérieurs.
Évidemment tout le monde ne tombera pas d’accord, mais la plupart des gens admettront que la guerre froide et le 11 septembre impliquaient une hausse des dépenses de défense, quel que soit le parti à la Maison Blanche. De même, l’effondrement de l’empire soviétique signifiait inévitablement une réduction des dépenses militaires, indépendamment du fait que les républicains ou les démocrates étaient aux commandes.
Mais il est intéressant de noter aussi qu’Obama obtient encore un score relativement bon, en battant Clinton pour la deuxième place. Les dépenses domestiques corrigées de l’inflation (ce que nous regardons de près la plupart du temps) ont augmenté de 2,0% par an au cours de ses trois années de mandat.
Finalement, cela ne veut-il pas dire qu’Obama mérite la réélection ? Eh bien, avant de vous prononcer, je veux vous présenter un dernier calcul. Tout comme il y a de bonnes raisons pour exclure les charges d’intérêts, car elles ne sont pas quelque chose qu’un président peut contrôler, nous devons aussi jeter un œil à ce que deviendraient les dépenses si nous ne comptions plus le coût des plans de sauvetage.
Bien sûr, ces types de dépenses peuvent être contrôlées, mais si nous prenons l’hypothèse que le gouvernement fédéral doit recapitaliser le système bancaire (en application de la bonne résolution de la FDIC [1] ou du programme TARP [2] corrompu), alors il semble que les présidents ne devraient pas être tenus arbitrairement responsables du simple fait que certaines institutions financières ont failli durant leur mandat.
Reprenons la série de chiffres précédente et retranchons les dépenses de long terme liées aux garanties de dépôts, ainsi que les dépenses du TARP depuis 2009. Et gardons à l’esprit que les remboursements en capital du TARP (ainsi que les primes des garanties de dépôts) apparaissent dans le budget « dépenses négatives ».
C’est parce qu’il y avait beaucoup de dépenses liées au programme TARP durant la dernière année de Bush (exercice fiscal 2009), qui ont contribué à un niveau artificiellement élevé. Et puis les remboursements par les banques au cours des exercices fiscaux de l’ère Obama ont été comptés comme dépenses négatives.
Lorsque vous soustrayez les grandes dépenses TARP, ainsi que les remboursements, alors W n’a plus l’air aussi mauvais (même s’il reste moins bon que Carter et Clinton), tandis qu’Obama fait une grosse chute.
Permettez-moi de conclure avec quelques mises en garde. Aucun des tableaux ne reflète parfaitement le bilan d’aucun président en matière budgétaire. Même mon premier tableau peut être jugé mauvais si vous considérez que les présidents ont une responsabilité dans le niveau d’inflation qui se produit sous leur règne. Et on peut sans doute solidement argumenter que les dépenses liées à la défense ou aux plans de sauvetage sont affectées par les politiques présidentielles plutôt que par des événements externes.
De plus, gardez à l’esprit que les présidents n’ont pas la maîtrise totale de la politique budgétaire. Ce sont les gens du Capitole qui promulguent effectivement les lois et affectent les sommes d’argents.
En outre, le gouvernement fédéral s’apparente à un grand cargo rouillé qui se déplace dans une certaine direction, tandis que les présidents sont comme les remorqueurs qui tentent de pousser le bateau d’une manière ou d’une autre.
Tout cela est assez équivoque. Mais au moins, ces quatre tableaux montrent plus clairement quels présidents ont conduit un gouvernement à croissance plus rapide ou plus lente. Plus important encore, les différents tableaux donnent une bonne idée du domaine dans lequel la plupart des nouvelles dépenses ont été faites.
Nous pouvons sans doute dire que Reagan et Clinton ont été comparativement plus économes, et nous pouvons également dire que Nixon, LBJ, et W étaient comparativement beaucoup plus dépensiers. Quant à Obama, je pense que son remorqueur pousse dans la mauvaise direction, mais ceci n’est visible que lorsque vous enlevez l’impact des effets de distorsion budgétaire du TARP.
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Article titré « Mirror, Mirror, on the Wall, Which President Is the Biggest Spender of All? » et publié initialement sur cato@liberty. Repris avec l’aimable autorisation du Cato Institute.
Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.
Notes :
- La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) est une agence fédérale américaine, indépendante du gouvernement fédéral, dont la principale responsabilité est de garantir les dépôts bancaires faits aux États-Unis. ↩
- Le Troubled Asset Relief Program (TARP) ou plan Paulson est l’une des mesures mises en place par les États-Unis à partir de septembre 2008 pour faire face à la crise financière de 2008. ↩