Salle 5 - vitrine 4 ² : les peintures du mastaba de metchetchi - 42. du lait dans différents rituels funéraires ...

Publié le 29 mai 2012 par Rl1948

   Je suis celui qui purifie pour toi le chemin devant toi avec du bon lait.

   C'est, amis visiteurs, ce que vous pouvez lire dans les deux colonnes ci-avant, de droite vers la gauche, juste avant le visage du dernier des trois personnages en long pagne blanc ; celui qui tient un récipient dans la main gauche.

   Ce tableau provient de la tombe de Roÿ (TT 255), dans la Vallée des Nobles, à Dra Abou el-Naga, à l'ouest de Thèbes.

   La scène entière, au registre inférieur de la paroi nord de la chapelle funéraire,

 

propose le cortège des funérailles avec les pleureuses s'épanchant à l'avant et à l'arrière du traîneau tracté par quatre vaches portant l'embarcation sur laquelle a été posé le catafalque de ce scribe royal de la XIXème dynastie; convoi devant lequel donc un serviteur répand du lait sur le sol à seule fin de le purifier.

   (Grand merci à Vincent Euverte de m'avoir non seulement permis d'exporter son cliché reconstituant la scène complète ci-dessus, mais également de m'avoir proposé des photographies de détails en plus grande résolution, comme celle qui chapeaute la présente intervention.) 

   Si dès l'Ancien Empire, il fut coutumier d'asperger d'eau le chemin qui menait ainsi le défunt à son tombeau et cela, prosaïquement, pour faciliter la progression des patins, ce ne sera qu'à partir du Nouvel Empire que se développera un rituel semblable mais, de purification cette fois et avec du lait.

   Dans sa tombe TT 100, - souvenez-vous, nous y avons quelque peu déambulé quand, de conserve, nous avons visité, au Quadrilatère Richelieu en septembre 2011, l'exposition dédiée à Emile Prisse d'Avennes à la Bibliothèque nationale de France -, Rekhmirê, vizir à la fin du règne de Thoutmosis III et au tout début de celui d'Amenhotep II, soit environ 1470 à 1445 avant l'ère commune, précise que ce lait spécifique était fourni par les vaches mêmes de l'attelage. Bovidés que, selon Gustave Lefebvre, les Égyptiens appelaient les Belles ou les Bonnes ; sous-entendez : bêtes.

   Prenant prétexte de la figuration de la traite d'une vache, geste banal que nous avons rencontré le 5 mai dernier grâce au fragment E 25515 ici devant nous, dans la vitrine 4 ² de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre,

et après avoir déjà évoqué l'utilisation du lait en général et du lait maternel en particulier pour des besoins tout à la fois alimentaires, prophylactiques et thérapeutiques, j'ai souhaité aujourd'hui avec vous envisager son emploi  notamment dans certains rituels ayant toujours, peu ou prou, un rapport avec les défunts.

   Pour ce faire, après avoir à l'instant attiré votre attention sur son usage pour rendre pur le chemin qui conduisait le cortège funèbre vers la tombe, il m'agréerait que nous montions immédiatement à l'étage supérieur et que nous nous rendions en salle 24, une de celles du parcours chronologique consacrées au Nouvel Empire, pour y découvrir, dans la vitrine 3, parmi d'autres de cette époque, la stèle C 211 d'un certain Pentchény en adoration devant Osiris.

   Se lisant de droite vers la gauche, l'inscription qui s'étire sur sept niveaux en dessous des personnages nous restitue le classique proscynème commençant par Veuille le roi accorder une offrande à Osiris qui est à la tête des Occidentaux ..., avant d'énumérer quelques-unes des nécessités assurant la survie du défunt dans l'Au-delà.

   Et parmi elles, indiquée quasiment à la fin de la troisième ligne,

celle de lui permettre de bénéficier d'une libation de vin et de lait.

   Il vous faut en effet savoir que parmi les différents rites pratiqués en Égypte antique, celui de la libation - qui consistait à répandre sur le sol (ou sur un autel) quelques gouttes d'un liquide s'écoulant d'un vase d'une forme déterminée selon son contenu (eau, vin, lait, huile ...) - avait une destination essentiellement purificatrice ; la pureté étant synonyme d'ordre (maât), l'impureté de chaos (isefet), toujours susceptible de renaître, partant, de troubler le bon déroulement de la vie sociale.

   Sur cette stèle, toutes ces offrandes étaient destinées au Ka du grand prêtre-pur, Pentchény, (fils de) la dame Touiou ...

   Ici, proche de la fin de la troisième ligne donc, c'est, comme vous pouvez le constater, une aiguière, premier hiéroglyphe de droite, qui nous fait comprendre que libation il y aura ; les quatre signes suivants (avec les deux jarres côte à côte dans leur support correspondant au terme désignant le vin et les cinq derniers à celui que vous connaissez déjà maintenant (irtchet) nommant le lait.

   Si la libation, comme ici, pouvait être dédiée à son propre Ka par le défunt propriétaire de la stèle, d'autres monuments nous indiquent que les enfants du mort tenaient également à pratiquer semblable rituel en l'honneur de leurs parents : c'est ce que nous prouve, un peu plus loin sur notre gauche en cette même salle 24, dans la Galerie d'étude n° 2,

la stèle C 63, troisième à partir de la gauche, posée sur le sol contre le mur du fond de cette grande vitrine.

   Sur cette pierre de calcaire de 80 centimètres de hauteur et 60 de large,

vous remarquerez sans peine, à droite du premier registre, Djehouty et son épouse Henout, assis côte à côte recevant une libation de leur fils : de l'aiguière qu'il tient de la main droite s'échappe le lait purificateur qui remplit un vase en forme de fleur de lotus, matrice primordiale puisque, comme vous ne l'ignorez plus je présume, de cette corolle renaissait chaque matin le soleil ...

   Et à gauche, une scène analogue qu'effectue, cette fois, sa soeur, à nouveau pour leurs parents. 

   Bien évidemment, c'est dans le monde des dieux qu'il vous fait aller quérir l'origine de semblables pratiques.

   Dès lors, retrouvons-nous, voulez-vous, le 5 juin prochain pour me permettre de quelque peu détailler cette dernière assertion ... 

   A mardi. 

(Cauville : 2011, 21-40 ; Guilhou : 2001-2002, 6 ; Lefebvre : 1960, 59-65)