La vraie surprise de cette campagne présidentielle, c'est le Front de gauche et son incroyable tribun de candidat, Jean-Luc Mélenchon. On nous a seriné que la vraie gagnante de cette élection était Mme Le Pen, mais comment croire ces foutaises quand cette candidate était donnée à 24 % il y a un an, que tout le monde prédisait à ce moment là qu'elle serait au second tour et qu'elle ne fait "que" 18 %, après avoir bénéficié dans les derniers jours d'un bon coup de pouce de la presse bien pensante de gauche.
Non, l'évènement, le seul de cette élection présidentielle, c'est bien le Front de gauche. Parti de 4 %, arrivé à 11 après avoir un temps tutoyé les 15 et espéré figurer au second tour, Jean-Luc Mélenchon a réussi plusieurs exploits. Le premier, et non des moindres est d'avoir remis au coeur de la campagne des thèmes oubliés comme le partage des richesses ou la lutte des classes. Le second est d'avoir réussi à fédérer autour de lui et du Front de gauche des milliers de personnes venues d'horizon différents mais qui se sont reconnus dans ce discours engagé et sans compromissions. Le troisième enfin est d'avoir rendu passionnante une campagne amorphe en la rendant populaire et festive.
Pour le Front de gauche, l'enjeu des élections législatives est clair : confirmer la percée de la présidentielle et avoir le plus de députés possibles pour influencer le PS.
Le Front de gauche peut jouer sur deux tableaux : la fin du vote utile en faveur du PS et bénéficier de sa posture de meilleur opposant au FN. C'est dans cet esprit que s'inscrit la candidature de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont face à Marine Le Pen dans un fief PS pourri par la suspiscion de corruption. En attirant la lumière sur lui, il en fait profiter tous les candidats Front de gauche. Pour autant, les chose ne seront pas si simples.
C'est une évidence, le 22 avril dernier, le vote utile a pénalisé Jean-Luc Mélenchon. Malheureusement, contrairement à ce qu'espérait les leaders du Front de gauche, le PS arrive encore à jouer sur cette corde pour les législatives. Il brandissent la peur de la cohabitation et la nécessité de donner une majorité claire à François Hollande. C'est un vrai problème pour le Front qui va certainement retrouver un score proche de celui de la présidentielle, mais risque de ne pas en bénéficier en terme d'élus, puisque pour cela, il lui faut dans chaque circonscription terminer devant le candidat PS. La stratégie de la première secrétaire socialiste, Martine Aubry, qui refuse des accords dans les circonscriptions menacées par le FN va bien dans ce sens : rendre le Front de gauche le moins influent possible pour le nouveau gouvernement.
Un autre écueil guette ce parti, celui de l'abstention toujours plus forte lors des élections législatives. Or, c'est dans les villes et les quartiers populaires, chez les ouvriers et chez les jeunes que Jean-Luc Mélenchon a réussi ses meilleurs scores, c'est à dire dans les milieux et les catégories de population qui s'abstiennent le plus.
Le dernier danger enfin, est celui de la division. Jusqu'ici, l'attelage a tenu bon gré mal gré. Mais un nouvel obstacle va se profiler dès le soir du second avec la plus que probable volonté d'une partie des communistes de rentrer dans le gouvernement. De son côté, Jean Luc Mélenchon et le parti de gauche ont toujours refusé cette éventualité. A titre personnel, je crois qu'il s'agirait d'une énorme erreur de la part du PCF, au regard du passé.
Pour autant, si le score du Front de gauche reste élevé, cela aura une forte signification pour l'avenir. Celle qu'il y a une force à gauche qui s'est relevée. Cette force ne s'est jamais éteinte, simplement elle a été victime de l'effondrement du PS et de la division de la gauche radicale. Jean-Luc Mélenchon l'a réveillée (le véritable exploit, c'est peut-être celui-là), et cette force-là, motivée, politisée, syndiquée très souvent, elle ne se rendormira pas.