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La fameuse «juste part». réplique à michel seymour

Publié le 28 mai 2012 par Jlaberge
Nous rejetons tous l’idée que nos universités endossent le modèle de l’entreprise privée. D’après Michel Seymour, la cause philosophique de cet apparent changement de vocation de nos universités vient du fait qu’elles n’obéissent plus à la justice distributive, plus précisément au principe de la juste égalité des chances, l’un des deux principes fondamentaux qui est au cœur de l’œuvre de John Rawls.
Nous sommes si démocrates dans l’âme que le rejet du principe de l’égalité des chances paraît consternant, voire odieux. Les libéraux de Jean Charest l’admettent. Pourtant, une majorité d’entre nous n’acceptent pas la thèse de Seymour selon laquelle l’admission principe rawlsien de l’égalité des chances exige une éducation universellement accessible, c’est-à-dire, en somme, la gratuité scolaire à tous les niveaux.
Le gouvernement libéral de Jean Charest demande aux étudiants leur «juste part». Si l’on suit Rawls-Seymour, cette politique est injuste. Certains n’ont pas les moyens que d’autres possèdent pour aller à l’université. Dans le vocabulaire de Rawls, c’est là la «loterie naturelle», qui doit être corrigée par les institutions politiques «justes» obéissant, entre autres, au principe de l’égalité des chances.
Plus généralement, antérieurement aux institutions politiques, il n’y aurait, d’après Rawls, rien de bien et de mal, de juste ou d’injuste. Le vol, par exemple, ne serait ni bien ni mal, avant l’introduction du système de la propriété privée. Le bien et le mal, la morale en somme, n’est donc relative qu’à des institutions politiques. Rawls a par ailleurs la prétention de nous révéler ce en quoi consiste la justice dans une véritable démocratie libérale, plus précisément dans une social-démocratie.
La «juste part» demandée aux étudiants se révèle donc être injuste du point de vue de la social-démocratie de Rawls-Seymour. Cela signifie qu’il est parfaitement juste de prendre une part des riches et de la redistribuer aux plus démunis, comme le veut l’autre principe rawlsien, celui de «différence». Au Québec, 45% de la population ne paie pas d’impôts, alors que 4% des 55% qui en paie, paie 41% de la note! C’est ainsi que Rawls-Seymour entend corriger la «loterie naturelle». Sur ce point, le «modèle québécois» sait y faire, on ne le sait que trop! C'est la politique du «pas dans mes poches, mais dans celles des autres.»
Personne ne mérite ses talents, ses dispositions, sa richesse, selon Rawls. Comme le veut la blague des Cyniques, l’État veut le bien commun – et il va l’avoir!
Quant à la question de la vocation de l’université dans la vision sociale-démocrate à la Rawls-Seymour, celle-ci ne vise encore une fois qu’à rétablir les inégalités sociales. Est-ce là la seule finalité de l’université? Car il ne s’agit là en effet que d’une finalité politique, externe pour ainsi dire à la vocation propre de l’université. On ne peut en effet sortir de la politique puisque, toujours selon Rawls, les institutions politiques déterminent la vocation de toute chose.
Selon Seymour, la finalité de l’université serait désormais axée sur la prospérité économique. Il est tout de même curieux que, dans ce débat, personne ne soutienne l’idée que ce que doit honorer l’université, c’est l’apprentissage de la connaissance pour elle-même. Dans une société où tout se marchande, le savoir lui-même n’échappe pas à la règle et n’est plus tenu comme une fin en soi. Selon le fameux mot d’Aristote, «Par nature, l’homme désire connaître». Nous, au contraire, désirons connaître en vue d’autre chose que la connaissance elle-même, et l’université qui est le lieu du savoir par excellence, n’est plus une fin en soi mais un moyen en vue d’autre chose : la solidarité sociale, pour les uns, la prospérité économique pour les autres. Ce pourrait-il que la connaissance, tout comme sa sœur, la vérité, n’ait pas de prix?

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