LES SAISONS DE LA VIE*****Voici les saisons de l'Amour par :
Muriel Balensi et ses perles uniques, Dominique Brunet et ses bustiers aux riches étoffes,Resi Girardello et ses sculptures travaillées, crochetées, en fil de cuivre,mise en scènes par les trois artistes.
Tramonto / Coucher de Soleil
Giardino
ALBA / Aube
Muriel Balensi et Dominique Brunet
jeune sculpteur vénitienne de talent
GARDEN PARTY
Parce que la femme est un jardin, Parce que la femme est un parfum, Chaque matin une aube mère, Si blonde, si brune, Chaque soir, belle éphémère,Si ronde, si lune. De la fraîche rosée,A la sombre orchidée, Elle demeure en nos cœurs Comme la plus rose fleurEt au cœur de notre âme, La plus rose des femmes
Muriel Balensi
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... Les papiers de Jeffrey Aspern de Henry James, un petit extrait :
La gondole s’arrêta, le vieux palais était devant nous ; c’était une de ces maisons qui, à Venise, portent ce noble nom jusque dans la plus extrême décrépitude. « Que c’est joli ! ce gris et rose ! » s’écria ma compagne ; c’était la description la plus juste qu’on en pût faire. Le palais n’était pas remarquable par son ancienneté, il datait seulement de deux ou trois cents ans ; et sa vue ne donnait pas tant l’idée de décadence que celle d’un découragement paisible, comme s’il avait en quelque sorte manqué sa carrière. Mais sa large façade, avec son balcon de pierre régnant d’un bout à l’autre du piano nobile — ou premier étage — avait une bonne allure architecturale grâce à ses pilastres et ses arcades diverses ; et le stuc, dont ses murs avaient autrefois été enduits, était d’un ton rosé en cet après-midi d’avril.Il donnait sur un canal propre et mélancolique, plutôt solitaire, aux deux côtés duquel courait une étroite riva — petit trottoir commode aux gens de pied. « Je ne sais pourquoi… il n’y a pas de pignons de briques, dit Mrs. Prest, mais ce coin m’a déjà paru plus hollandais qu’italien, plutôt d’Amsterdam que de Venise. Il est anormalement propre pour quelque raison personnelle ; et, bien qu’il soit possible d’y passer à pied, c’est à peine si quelqu’un pense jamais à le faire. C’est aussi négatif — étant donné le lieu — qu’un dimanche protestant. Peut-être que les gens ont peur des demoiselles Bordereau. Je suppose qu’elles ont la réputation de sorcières. »J’oublie quelle fut ma réponse. J’étais absorbé par deux préoccupations : la première était que, si la vieille dame habitait une maison si grande et si imposante, elle ne pouvait guère être dans la misère et par conséquent ne se laisserait pas tenter par l’occasion de louer deux chambres. J’exprimai cette crainte à Mrs. Prest, qui me donna une réponse des plus positives : « Si elle n’habitait pas une grande maison, comment pourrait-il être question qu’elle ait des pièces de trop ? Si elle n’était pas grandement logée, vous manqueriez de terrain pour l’approcher. D’ailleurs, une grande maison ici, et particulièrement dans ce quartier perdu, ne prouve rien du tout : cela marche très bien de pair avec un état de pénurie. Les vieux palais croulants, si vous vous en contentez, dans les quartiers excentriques vous pouvez les avoir pour cinq shillings par an. Et quant aux gens qui y habitent, non, non, jusqu’à ce que vous ayez exploré Venise, socialement parlant, autant que moi, vous ne pouvez vous faire aucune idée de leur désolation domestique ; ils vivent de rien, car ils n’ont rien pour vivre. »La seconde idée qui m’était venue concernait un grand mur nu qui semblait borner un terrain vide le long d’un des côtés de la maison. Je le qualifie de nu, mais il présentait du haut en bas des taches à ravir un peintre, des brèches réparées, des plâtres croulants, des briques à demi déchaussées, devenues roses avec le temps ; quelques arbres maigres et des supports de treillages délabrés apparaissaient au-dessus de la crête. Ce terrain vide était un jardin et, apparemment, dépendait de la maison. Je sentis soudainement que cette dépendance me fournissait le prétexte cherché. Je demeurais là, dans l’ombre de notre felze, regardant avec Mrs. Prest tout ce décor, baigné de la lumière dorée de Venise, et elle me demanda si j’allais entrer maintenant ou si je reviendrais un autre jour.D’abord, je ne pus me décider ; c’était, sans doute, une faiblesse de ma part. Je voulais encore espérer que je découvrirais un autre moyen d’accès ; je redoutais un insuccès, car en ce cas, ainsi que je le fis remarquer à ma compagne, je n’aurais plus une corde à mon arc. « Pourquoi n’en auriez-vous plus d’autre ? » interrogea-t-elle, tandis que je me tenais là, assis, hésitant et méditatif. Et elle désira savoir pourquoi, même à cette heure, et avant de prendre la peine de devenir leur pensionnaire (ce qui, après tout, pouvait bien se révéler atrocement inconfortable, dans le cas où ma démarche réussirait), je n’usais pas de la ressource de leur offrir franchement une somme d’argent. De cette façon, j’obtenais ce que je voulais sans passer de mauvaises nuits.« Chère madame, m’écriai-je, pardonnez-moi l’impatience de mon ton si je me permets de vous dire que vous semblez avoir oublié la raison même — sûrement je vous en ai fait part — qui m’a contraint à avoir recours à votre génie. La bonne femme ne veut même pas qu’on fasse allusion à ses reliques et à ses souvenirs ! ils sont personnels, délicats, intimes, et elle n’a pas la façon de sentir d’aujourd’hui, Dieu merci ! Si je frappais cette corde tout d’abord, je gâterais certainement le jeu. Je ne puis obtenir mes dépouilles qu’en la prenant par surprise, et elle ne peut être surprise que par une manœuvre séduisante et diplomatique. Hypocrisie, duplicité, voilà mon unique chance. J’en suis bien fâché, mais il n’y a pas de bassesse que je ne commette pour l’amour de Jeffrey Aspern. Il faut d’abord que j’aille prendre le thé avec elle ; puis, je jetterai l’hameçon. »