Tiens, au détour de petits articulets minimalistes, on apprend que notre frétillant Ministre du Dressement Reproductif, Arnaud Montebourg De La Saillie Hennissante, est allé « aider » quelques malheureux en Saône-Et-Loire. Un petit bilan de la catastrophe s’impose.
Certains vont me trouver méchant, à parler ainsi de catastrophe alors que son « action » vient tout juste de commencer, mais malheureusement, je pense qu’on peut déjà parler de catastrophe puisque la fin est maintenant inéluctable pour l’entreprise dans laquelle le frémissant abruti vient de mettre les doigts.
En substance et pour faire bref, l’héroïsme déplorable du ministre n’en valant pas plus, Montebourg a donc débarqué samedi dernier à Simard pour rencontrer les 37 salariés de Kawan-villages. C’est une entreprise de tourisme, revendue à Proméo en 2009, spécialisée dans la commercialisation de nuitées en camping à prix cassé, et qui est maintenant menacée par un plan social. En effet, la direction de l’entreprise a décidé — stupeur — de « délocaliser » l’entreprise (argh, les fourbes) vers les contrées éloignées et inhospitalières de Sète, dans l’Hérault.
Le Ministre, découvrant cela, a décrété que l’opération était – je cite – une « ânerie », décidé de s’engager dans – je cite toujours – « un bras de fer » avec la direction et s’imagine qu’il va la faire revenir sur sa décision.
Eh oui : c’est ça, l’avantage d’être ministre d’État en charge du Dressement Reproductif, on chope immédiatement le super-pouvoir de Lecture Rapide De Bilan d’Entreprise, qui permet de discriminer en quelques micro- secondes ce qui est une opération frappée au coin du bon sens, ou même une opération douloureuse mais nécessaire à cause de la conjoncture, d’une opération inutile qu’on pourra qualifier immédiatement d’ « ânerie ». Puissant, non ?
Pour en arriver à cette conclusion, le fier Arnaud s’est rendu sur place et a analysé la situation avec toute la puissance de son intellect d’Élite De La Nation, (très) aidé en cela par les employés de l’entreprise et de leur ancien patron, celui qui avait fondé l’entreprise et qui l’a vendue en 2009, avec toute l’objectivité qui sied à ce genre d’étude économique sur le bout du pouce. D’ailleurs, l’ex-patron déclare tout de go :
« Je suis écœuré par le comportement de dirigeants qui gagnent de l’argent et qui n’ont que faire de l’avenir de leurs salariés… Si j’avais su, je n’aurai pas vendu… »
Ah bah oui, tout de suite, on comprend mieux : salauds de dirigeants qui gagnent de l’argent ! Ils feraient mieux d’en perdre, au moins, ça justifierait peut-être qu’ils veuillent déplacer la boutique !
Mais de ce qu’en dit la direction qui a pris une si étrange décision, on ne saura rien : les capitalistes infâmes (et néolibéraux) à la direction du groupe Proméo sont, très manifestement, avides de bousiller leur outil productif et de licencier les employés de cette société en déguisant ce plan social dans un déménagement ridicule, c’est une évidence. De même qu’il est évident que celui qui a fondé la société et qui a tout vendu a parfaitement le droit d’aller donner son avis et rouspéter contre les nouveaux propriétaires. D’ailleurs, lorsque vous achetez une maison, il est admis que la couleur des papiers peints et des sanitaires doit être choisie en accord avec l’ex-propriétaire qui, s’il avait su que vous étiez un fan de bleu lavande, n’aurait jamais vendu.
La suite, on la devine sans mal : on dirait du Dominique Galopin de Villeuzeau ou mieux encore, du Capitaine Blâme.
Selon toute vraisemblance, le Minustre du Dressement Reproductif va maintenant pouvoir faire étalage de sa Toute Puissance et obtenir, très probablement, que l’entreprise Proméo soit poursuivie (soit devant un tribunal quelconque, soit en lui faisant pleuvoir des douzaines de contrôles amusants comme l’URSSAF, les impôts ou n’importe quoi d’autre dans la même veine). Si ce n’est pas ça, moyennant une petite luxation des bras des dirigeants, parions que la décision de « délocaliser » l’entreprise sera révoquée et que l’entreprise restera donc sur place.
Tout sera bien qui finira bien. Pour le Minustre.
Pour l’entreprise et ses employés, on peut parier ensuite à une baisse de l’activité, ou des problèmes logistiques, ou que sais-je encore (je n’ai pas la faculté d’analyse des bilans en 1 ms, je suis obligé de spéculer pardon d’imaginer). Eh oui : comme on ne change pas une équipe qui gagne, si la direction veut changer, c’est soit qu’elle est complètement imbibée (ce qui serait surprenant), soit que quelque chose ne gagne pas (ou pas assez).
À la suite de cette baisse, l’entreprise sera en difficultés, puis en dépôt de bilan et faillite, débouchant sur un licenciement économique de tous les employés qui auront ainsi troqué un désagréable déménagement tout de suite contre un désagréable chômage plus tard, avec l’avantage que plus c’est tard, moins on est jeune et plus il est difficile de retrouver du travail ensuite.
Évidemment, l’ensemble de l’opération sera soldée par une grosse louche de « salauds de patronat » / « enculés de riches » / anathème de votre goût ici, pour faire bonne mesure, et comme tout ceci se passera dans quelques années, chacun aura oublié les vigoureux coups de reins productifs de notre minustre pour obtenir ce beau résultat.
Vraiment, quel entregent, quelle faconde, quelle acuité d’analyse, que de bonnes idées, M. Montebourg !
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