Notre société est curieusement effrayée par la Grèce et ce mot de Grèce en français renvoie également à ce qui est en trop : la Grèce c'est (oralement) la graisse et le surplus. Cette haine du surplus se retrouve dans notre obsession de l'austérité.
Soyons austères et tordons le cou à la graisse. Mais qu'est ce que cette obsession du surplus ?
Elle peut avoir trois causes (au moins) :
- d'une part, elle peut être reliée au malthusianisme contemporain. Nous serions trop, nous ferions trop ;
- d'autre part, elle peut être le produit d'une pétition de principe destinée à dissimuler le sentiment continuel de gâchis qui imprime continuellement l'esprit de nos élites ;
-enfin, elle peut signifier une forme de haine à l'égard des Anciens que la Grèce symboliserait et que le rejet actuel du judaïsme (et l'antisémitisme si commode de certains) confirmeraient.
Ces trois causes sont peut-être liées à une cause plus centrale : la haine de soi ou la peur de ce qui est. Cette peur de ce qui est est liée à une peur de l'autre. L'austérité est bonne lorsqu'elle relève de la rigueur. Elle est triste lorsqu'elle est liée au moralisme et au juridisme.
Le moralisme et le juridisme sont une autre marque de la haine de l'autre. En effet, elles ont généralement pour héros Tartuffe. Elles condamnent les fautes de l'autre en permanence mais refusent de voir les propres fautes qui sont nôtres.
Il y a pourtant une bonne "graisse" nous disent les médecins comme il y a aussi un bon immoralisme ou un bon non droit comme dirait le juriste Jean Carbonnier...Acceptons de temps à autre les erreurs de l'autre c'est aussi une autre manière d'accepter ses propres erreurs. Acceptons un peu la bonne graisse c'est une manière ainsi de voir l'autre dans une dimension qui ne serait pas seulement celle de celui qu'il est bien commode de haïr...
Il faudrait donc enfin que nous puissions revenir à une forme de raison et d'équilibre en ce domaine. Le rejet actuel de la graisse et le terrorisme moral qui s'applique en ce domaine actuellement à l'égard de ce beau et grand pays et de ce qui permet à l'homme de vivre aussi avec une certaine forme de sécurité (la graisse est une forme de matelas bien commode et une protection, une accumulation qui permet au corps de résister à l'epreuve...ne parlons pas des effets de rondeur qu'elle peut parfois donner et qui n'est pas toujours à rejeter).
Mais l'équilibre consisterait également à condamner les outrances en ce domaine...
Parviendrons-nous en ce domaine comme en d'autres à trouver la bonne et juste solution ?
L'expérience en matière de pensée m'a souvent montré que, lorsque deux branches d'une alternative s'opposaient, il fallait chercher dans un troisième terme la manière de sortir de l'opposition. Ce troisième terme est celui de l'excellence et de la recherche, du questionnement.
Questionnons nous et acceptons de sortir du couple binome : Grèce/graisse d'un côté et rigueur/moralisme de l'autre. Le point raisonnalbe se trouve au coeur de ces deux espèces là...Comment le trouver ? Il ne consiste pas en une approche : un peu de graisse et un peu de rigueur car dans ce cas nous n'avons que du peu et nous n'obtenons pas cette excellence qui doit permettre de sortir de l'impasse.
Il faudrait plutôt choisir l'excellente graisse et l'excellente rigueur. Mais quelles sont ces excellences ? C'est ici qu'il faut certainement conduire le propos et c'est vers ce projet qu'il faut aller.
L'excellente grèce doit nous revenir. Elle fut la patrie du savoir et de la démocratie. Elle fut, selon moi, le relais heureux de la pensée prophétique.
L'excellente rigueur est en lien avec cette Grèce excellente. Elle est à retrouver dans ce que les grands penseurs de l'éthique nous ont apportés. Mais aujourd'hui la haine(raciale, religieuse, culturelle, économique et sociale) est présente en tous lieux et elle se traduit par la haine perpétuelle de l'autre, et de l'Autre...Lévinas est bien loin et nous ne pouvons plus nous exprimer sans connaître les foudres de celui qui vous reproche d'être autre.
Chacun s'est replié sur sa sphère et dès que vous évoquez un mot : graisse, rigueur tout le monde s'ennerve et se "fâche"...
Nous ne parviendrons cependant pas à renouer avec l'excellence si nous continions à nous fâcher continuellement...Même s'il est des colères saines, la colère perpétuelle est dangereuse pour l'homme ... Pourquoi rejetons nous ainsi aujourd'hui la graisse et ne commençons nous pas justement à réfléchir sur la colère et la souffrance qui se répandent comme des trainées de poudre dans notre pays...? Pourquoi nos médias si bien inspirées ne commencent-ils pas par nous parler de ces choses plus importantes sans doute que la question de la graisse ou tout aussi importantes qu'elle ?