A bientôt 80 ans, le parisien de naissance George Steiner, navigue depuis plus de quarante ans, entre les chaires
d’Oxford, Princeton,
Cambridge et Genève, préférant la compagnie des scientifiques à celles des littéraires. L’auteur d’une cinquantaine d’essais jubilatoires, nous convie cette fois à traverser
un semainier confit de savoirs, sept mots d’excuse en forme de contes philosophiques, d’une admirable portée morale où l’insolence le dispute avec l’exigence, toujours modeste, de la Vérité. De
ces livres jamais écrits, sur lesquels plane l’ombre d’un Borges, on ressort comblé, l’on voudrait dire merci, merci pour ces anecdotes bondissantes, voire croustillantes : ainsi cette
question, « qu’est-ce que la vie sexuelle d’un sourd-muet ? » – ou bien encore : « à quoi bon passer toute une vie [ici celle de Joseph Needham] à écrire l’histoire des
sciences et de la civilisation chinoises sans tomber dans une sorte de fiction générale du monde ? » ou encore : « comment peut-on être un poète épique animé d’ambition
philosophique quand Dante est […] dans les parages ? » Steiner questionne aussi bien son identité, son rapport à l’éducation, aux animaux, au politique ; dans la foulée des jours
qui s’enroulent en autant de points de rencontres (et s’il fallait écrire un livre pour chaque homme croisé dans sa vie ?), le penseur se pose en prince de l’échec, en croyant du désastre,
en défenseur de la cause des pèlerins, des vagabonds qui collectionnent les passeports comme d’autres les timbres poste. Comment Steiner a-t-il pu écrire après Erasme, Montaigne et son cher
Proust ? Réponses, dans ces sept péchés du connaître, parce que « nous sommes les invités de la Vie ». N’oubliez pas de refermer la porte en douceur…
George Steiner : Les livres que je n’ai
pas écrits,essai,tr. de l’anglais : M. Groulez, éd. Gallimard
Photos prises à la Lib. Compagnie, 11 février 2008