Catherine Diverrès, danseuse et chorégraphe, et Jean-Marc Adolphe, directeur de la revue Mouvement, parlaient de Kazuo Ohno au Centre National de la Danse, à Pantin (93).
Le nom de Kazuo Ohno est associé au butō. On peut lire ceci sur Wikipédia : Le butō est une danse née au Japon dans les années 1960. Cette « danse du corps obscur » s'inscrit en rupture avec les arts vivants traditionnels du nô et du kabuki, qui semblent impuissants à exprimer des problématiques nouvelles. Né en réaction aux traumatismes laissés par la Seconde guerre mondiale, le butō est fondé par Tatsumi Hijikata (1928-1986), avec lequel collabora Kazuo Ohno (1906-2010). Le terme japonais butō (舞踏) est composé de deux idéogrammes ; le premier, bu, signifie « danser » et le second, tō, « taper au sol ». À sa naissance, le butō a été nourri par les avant-gardes artistiques européennes (parmi lesquelles l'expressionnisme allemand, le surréalisme, la littérature des écrivains « maudits » d'Occident, etc.)
Dans la discussion au CND, Catherine Diverrès, qui est allée avec Bernardo Montet, en 1982, apprendre auprès du maître, dit l’étrangeté et l’humour de cet homme, initialement professeur de gymnastique, apprenant lui-même la danse pour l’enseigner aux jeunes filles qui étaient ses élèves, et vivant au bout d’un chemin, loin de la ville. Pas de méthode pour enseigner chez Kazuo Ohno. Trois consignes : « pas d’instinct, pas de sentiment, pas de pensée ». Et la danse naissait de cela, du fond de soi-même, d’un fond jusqu’alors inexploré.
Jean-Marc Adolphe se souvient avoir assisté à un « cours » où le maître a d’abord commenté un livre de photos de végétaux puis a demandé aux danseurs de danser ce passage du végétal à l’humain. Il se souvient s’être assoupi, peu intéressé par les premiers moments de cette danse, et avoir été surpris de ce qu’il a vu au réveil. Cela « avait pris ».
Kazuo Ohno, dont Catherine Diverrès et Bernardo Montet avaient vu son hommage à « La Argentina », danseuse espagnole qu’il incarnait dans un (aujourd’hui fameux) solo, représentait pour eux une alternative à la danse contemporaine américaine qui était alors la référence. Il dansera ce solo jusqu’à l’âge de 100 ans. Il est mort en 2010, âgé de 103 ans.
La mort, les fantômes des ses proches l’auront hanté toute sa vie. En 1998, il disait : « Nos yeux grands ouverts fixent la paume, contemplent la mort, la vie, joie et tristesse, avec un sentiment de sérénité. »