Le cabri européen

Publié le 27 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Avec une absence prolongée de croissance, en moins d’un demi-siècle, l’Union européenne et son avatar la zone euro sont devenus l’homme très malade du monde contemporain.

Un billet d’humeur de Philippe Robert.
Lors d’un entretien avec Michel Droit, le 14 décembre 1965, le général De Gaulle s’est écrié : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe !… Mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. »

Après quarante-sept années d’errances européistes, voici donc qu’au G8 qui s’est tenu dernièrement à Washington nous entendons comme un écho, certes dans des conditions bien empirées par le temps, de cette fulmination gaullienne sous la forme d’un lamento : la croissance ! la croissance ! la croissance !

Hélas ! hélas ! hélas !… Il faut craindre que l’absence cruelle d’un véritable homme d’État de la stature d’un De Gaulle pour réconcilier les Français avec eux-mêmes, avec l’Europe et plus encore sans doute avec la nouvelle dimension du monde, nous ait littéralement rendus orphelins de toute volonté d’innovation.

Car en peu de décennies et sous la pression continue d’un clientélisme éhonté d’ailleurs pratiqué avec la complicité passive des Français, l’état de notre pays s’est considérablement aggravé au point que la France, aujourd’hui, n’est plus que l’ombre d’elle-même.

Un malheur n’arrivant jamais seul, l’Europe contemporaine matérialisée par l’Union européenne élargie à 27 nations y compris la zone euro regroupant dix-sept États membres, se trouve elle-même en perdition du fait d’un surendettement global et massif.

La croissance économique en Europe a ralenti depuis les années 1960 à cause d’un système social de plus en plus nuisible pour l’économie qui a commencé à s’imposer à cette époque. La directive européenne « soziale Marktwirtschaft » est une variante improductive de l’État-providence, du paternalisme d’État, d’une société des loisirs, d’impôts élevés et d’une faible motivation au travail.

Voici donc comment un orfèvre libéral en la matière, Vaclav Klaus, explique la lente mais inexorable descente aux enfers de l’Europe et ce, plus spécialement sous le règne de trois présidents de la Commission européenne, Jacques Delors, Romano Prodi et José Manuel Barroso.

Et M. Klaus de poursuivre son implacable réquisitoire :

L’apparition de l’euro n’a pas inversé cette tendance. Selon la BCE, le taux de croissance annuel moyen dans les pays de la zone a été de 3,4% dans les années 1970, de 2,4% dans les années 1980, 2,2% dans les années 1990 et seulement 1,1% de 2001 à 2009 la décennie de l’euro.

Ainsi, l’absence prolongée de croissance européenne se trouve-t-elle inscrite en lettres de feu dans les structures mêmes de l’Europe technocratique et anti-démocratique qui prétend régir les peuples européens ; il tombe d’ailleurs sous le sens que ce Graal des temps modernes qu’est devenue la croissance ne se tient pas à Bruxelles mais sommeille dans le sein de chacun des peuples d’Europe.

« Un tel ralentissement ne s’est produit nulle part ailleurs dans le monde (dans les pays n’étant pas confrontés à des crises telles que des guerres ou des révolutions) » écrit encore Vaclav Klaus. En moins d’un demi-siècle, l’Union européenne et son avatar la zone euro sont donc devenus l’homme très malade du monde contemporain…

Je ne suis pas économiste mais je m’honore d’être un esprit libre très attaché à faire preuve, autant que faire se peut, d’honnêteté intellectuelle et de bon sens ; je suis tout à fait conscient des soubresauts parfois moralement et physiquement brutaux, comme c’est le cas actuellement, que subit notre monde ouvert qui, en changeant radicalement de paradigme, est entré dans une zone de hautes turbulences.

Je sais aussi parfaitement que cet aggiornamento d’ordre universel n’étant pas toujours rose pour tout le monde, la meilleure façon de l’aborder et d’en maîtriser les arcanes parfois hermétiques consiste alors à faire face plutôt que de fuir devant la Troisième Vague (au sens d’Alvin Toffler) qui, de toute façon, finira immanquablement par nous rattraper.

La crise en cours qui n’en finit plus de soumettre l’Europe à la question ne trouvera donc certainement pas une issue viable, comme semble le rêver notre nouveau Président de la République, grâce à la mise en place d’un New Deal européen (ne produisant aucune croissance) qui ne sera que l’avant-garde visible de la fuite en avant de Bruxelles vers le super État.

Enfin, une telle ambition, démesurée et dangereuse, ne peut conduire qu’à l’émergence d’une situation plus tragique encore qu’aujourd’hui. De plus, nos « élites » devraient profiter de cette triste occasion pour se rendre compte que les peuples n’accepteront pas toujours de payer leurs fausses factures. Ici et là, suivez mon regard, ils ont d’ailleurs commencé à le faire.

—-
Sur le web.