Je venais de faire une découverte scientifique dont je compris qu'elle bouleversait totalement le paysage de mon savoir. Il était très tard et je me suis surpris à danser et à embrasser mes collaborateurs et élèves. Soudain, j'ai vu les jours qui devaient venir sous un éclairage uniquement favorable. J'étais tout simplement émerveillé par la vie. Comme ce jour où j'ai planté ma tente très haut dans les Pyrénées-Orientales, il y a des années de cela. J'étais à deux mille quatre cents mètres d'altitude, il faisait un temps extraordinaire, et devant nous se dressait cette curieuse montagne conique que nous devions arpenter le lendemain. A mes côtés, une femme que j'aimais profondément. Tout était pour moi émerveillement : la marmotte que j'entendais crier, les quelques morceaux de bois que je trouvais pour le feu du soir, la lassitude amoureuse de cette femme épuisée par la marche...
Dans ces deux situations, j'étais heureux, au sens où j'entends le bonheur, c'est-à-dire comme une adéquation entre ce que l'on vit et ce à quoi on aspire. Et il est plus facile d'avoir de la joie à vivre lorsque l'on est heureux. bien sûr.
Pour autant, dans les moments où la vie parait absurde, nous pouvons continuer d'en goûter les multiples saveurs et de nous en émouvoir. Le secret. je crois, par expérience, c'est la curiosité : curiosité des gens. des mets, des paysages, des chants des oiseaux au printemps. des poissons qui se jouent des remous dans la rivière... Tant que je resterai dans cette appétence pour la vie, j'ai bon espoir que les occasions de me laisser surprendre et de m'en réjouir seront innombrables.
Axel Kahn
Voir aussi : sagesse et développement (im)personnel
source : Psychologies magazine