Auteur : Megan Abbott
Editeur : JC Lattès
Prix : 21 €
Résumé :
Lizzie et sa voisine Evie Verver, treize ans, sont inséparables. Elles partagent tout, de leurs maillots de bains à leurs crosses de hockey sur gazon. Elles vivent dans l'ombre de la grande soeur d'Evie, qui leur laisse entrevoir le pouvoir de la séduction féminine. Pour Lizzie, la maison des Verver est le paradis sur terre, avec à sa tête le père, tellement gentil et charismatique.
Mais un jour, Evie disparaît. Le seul indice : la voiture que Lizzie a aperçue en rentrant du collège. La panique gagne rapidement cette tranquille communauté et tout le monde se tourne vers la jeune fille. Hantée par la disparition d'Evie, émoustillée par la place centrale qu'elle occupe dans les recherches, Lizzie découvre qu'elle est loin de tout savoir sur sa meilleure amie ...
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Voilà un livre qui change radicalement des lectures que j'ai l'habitude de faire, mais ça n'empêche pas que c'est un genre qui m'attire pas mal, et le pitch m'a beaucoup plu, attisant ma curiosité.
Le quatrième de couverture est déjà bien complet et très bien écrit, ça ne sert pas à grand chose que je vous serve un résumé à ma façon, donc.
Passons directement à mon avis.
Ce que l'on peut tout de suite dire, en tout cas, c'est que c'est une histoire qui interpelle. Que l'on aime ou que l'on aime pas, elle ne laisse pas indifférent.
C'est un roman qui va fasciner mais également pas mal déranger, abordant ici un sujet sensible et choisissant une narration assez osée, prenant une vraie prise de risque.
La narrateur ici est Lizzie, 13 ans, qu'on va suivre du début à la fin, et qui nous ouvre totalement son esprit, ses pensées les plus secrètes.
Ce n'est pas un livre "pour adolescentes", vous ne verrez pas ici de rose, de garçons romantiques et de délires entre copines. Parce que même cette période étrange entre l'enfance et l'adolescence, ce n'est pas que de l'insouciance et des jeux, loin de là.
On a tendance à oublier, par exemple, à quel point le sexe et la vision que l'on s'en fait est complexe et riche.
A 13 ans, on sait comment sont fait les bébés, mais le reste à tendance à être extrêmement flou.
C'est un mélange bizarre et riche de fascination et de dégoût, de curiosité, de désir et de peurs.
A travers cette histoire de disparition d'enfant, Megan Abbott va surtout aborder ce sujet, cette vision de la sexualité et du désir, avec tout ce que cela comporte de points sombres, via les yeux et la mentalité d'une fille de 13 ans.
C'est comme si la disparition d'Evie n'était que prétexte à l'ouverture de tout un monde pour Lizzie.
Par exemple, elle va vouloir se rapprocher du père de Evie, sous prétexte de ne pas le laisser tout seul. Elle ne sait pas ce qu'elle ressent pour lui. L'image d'un père qu'elle n'a pas ? Le désir d'une femme pour un homme ? L'image de la maturité, la connaissance et la sécurité d'un adulte envers un enfant ?
Avec cette relation très complexe et fragile, que Lizzie aborde entre peurs et envies, j'avais parfois l'impression de lire Lolita à travers les yeux de Lolita.
Malgré son jeune âge et le ton très mature et sérieux de ce livre, Lizzie est un personnage vraiment très intéressant. Le regard qu'elle a sur toute chose est primordial et nous offre une vision bien particulière, parfois dérangeante et difficilement compréhensible, mais totalement fascinante.
En tant que meilleure amie de Evie, dès la disparition de celle-ci, elle va se retrouver en plein milieu de beaucoup d'attention et de curiosité, et c'est autant excitant qu'effrayant, ça a quelque chose de totalement grisant.
Il va falloir qu'elle se remémore leurs conversations, qu'elle essaye de se rappeler le moindre détail qui pourrait avoir son importance.
Evie a-t-elle laissé des indices ? Est-ce que quelque chose aurait pu laisser deviner ce qui allait se produire ?
Dans cette épreuve, elle va avoir l'impression de se sentir changer et grandir, mais au final, elle découvrira des facettes de sa meilleure amie dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence.
Tout cette lecture m'a laissé un drôle d'arrière-goût. Il y avait vraiment un mélange de fascination et de répulsion, presque.
J'avais l'impression de m'immiscer dans quelque chose qui ne me regardait pas, de regarder par le trou de la serrure.
Il est beaucoup question de sexe, surtout de la vision dont on s'en fait.
Celle-ci, quand on est enfant et à l'aube de l'adolescence, est très complexe et étrange, on a chacun un univers de fantasmes et de questions, d'envies et de peurs qui n'appartiennent qu'à nous.
Le fait d'en trouver exposés ici à la vue de tous m'a un peu dérangée, alors que je ne pouvais en détacher les yeux.
C'est une impression très étrange, qu'il m'est difficile de décrire, comme si je ne voulais en parler qu'à demis mots.
Mais sinon, j'ai trouvé le scénario excellent, et malgré qu'il y ai parfois de grandes longueurs qui s'étirent un peu de trop, il est brillamment développé, et le suspens est savamment dosé.
La fin est surprenante, presque choquante, et les révélations de l'un et l'autre personnage sont bouleversantes et extrêmement crédibles et réalistes.
Pour faire une autre comparaison, je dirais que ce livre pourrait également vaguement faire penser à Lovely Bones (La nostalgie de l'ange).
Une fois Evie disparue, Lizzie recueille les réactions des uns et des autres. Les parents d'Evie, sa grande soeur, les élèves à l'école, les voisins, les policiers, et même la mère et le frère de Lizzie. On a une vision globale très riche, des différentes réactions de tous ceux qui ont touchés de près ou de loins la vie d'Evie. Et les voir analysés, presque savourés, en quelque sorte, par une fille de 13 ans, a quelque chose de très touchant et vrai.
On verra même, assez rapidement, son avis sur le kidnappeur d'Evie, et comment elle verra cette "relation".
C'est un livre qui m'a profondément partagée de par ses messages lancés de-ci, de-là, et de par la vision de Lizzie sur le sexe et les gens qui l'entourent.
Ca n'en fait pas pour autant un mauvais livre, et je l'ai dévoré avidement, avec presque un plaisir coupable.
Au final, je ne sais pas trop à qui je pourrais le conseiller, mais si vous êtes ne fut-ce qu'un peu curieux, alors lancez-vous !
Mille mercis aux éditions JC Lattès pour cette étrange lecture dont je retiendrais surtout la fascination qu'elle a provoqué en moi.
Un autre avis chez Sakinia.