Extrait du clip de Run Boy Run
En 2011, on découvrait, béats d’admiration, l’excellent Iron, signé Woodkid. Enfant de bois, c’est le surnom qu’a choisi Yoann Lemoine, plus connu en qualité de clippeur que comme musicien. Il avait déjà signé des clips pour Katy Perry & Taylor Swift à l’époque, mais aussi Moby et The Shoes. Depuis, il a également œuvré avec Lana Del Rey, une proche amie avec qui il jouera en live. Notre homme, rémois d’origine, est donc au top de la hype.
Iron est un excellent morceau, épique, dantesque, et très addictif. Une réussite qui prouve que la pop peut faire beaucoup avec une orchestration magistrale sans tomber dans la lourdeur. Le clip est du même niveau (il l’a réalisé lui-même) : il montre la mannequin Agyness Deyn courir dans un superbe univers en noir et blanc, très léché. C’est ce noir & blanc qui porte la signature Lemoine, un noir et blanc chiadé et soigné, qui évoque les plus grand réalisateurs, entre Hitchcock ou plus récemment Haneke, mais utilisé avec la liberté d’aujourd’hui (comprendre : en numérique).
Pourtant, sur l’Iron EP, il n’y a guère qu’Iron pour exciter nos oreilles. Brooklyn tend vers la folk-song sensible et met en avant la voix (particulière mais irréprochable) de Woodkid, mais à force de piano et de pleurnicheries, on tombe dans la pop facile et le morceau commence vite à évoquer U-Turn (Lili) d’aAron, et devient indigeste. Baltimore Fireflies ne fait guère mieux, mais son orchestration rend la chose un peu plus originale. Quant à Wasteland, elle éveille notre intérêt mais ne développe pas grand chose. Pas une catastrophe, cet EP montre tristement qu’en dehors de ses instrus épiques, Woodkid reste un artiste loin d’être mauvais, mais à l’intérêt limité. L’enfant de bois serait-il creux ?
2012 est pour lui l’année du premier album : il va devoir montrer qu’il peut développer son univers en un effort long-format. A grand renfort de teasing simple mais efficace il annonce le single (accompagné de quelques remixes), Run Boy Run pour fin mai, et la toile attend impatiemment la chose. Run Boy Run, parlons-en. Il répète la formule Woodkid qui marche : on souligne le côté épique avec une orchestration riche, on signe un clip en noir et blanc avec des gens qui courent, c’est travaillé et super efficace.
Attends attends, deux secondes, mec.
Tu dis quoi ? Morceau épique ? Grand orchestre super impressionnant ? Clip teasé à mort et super cool ? Un gosse qui court ? En noir et blanc, tu dis ? Un univers avec des monstres et plein de trucs qui font peur ? Attends… Mais… Tu l’as pas déjà fait ce truc là ? Ah mais oui, c’est ça ! Tu nous fais Iron II – Le Retour, quoi ? Non mais n’essaie même pas de nier. Ok, c’est pas un problème, tu sais t’es pas non plus le premier à manquer d’originalité, comme ça, ni le dernier à nous réchauffer les restes pour capitaliser sur le succès.
Iron, la surprise en moins puisqu’on connaît la chanson depuis deux ans, donc, on nous colle trois remixes dans les pattes. Un premier, signé SebastiAn, qui alourdit l’orchestration pour rendre le morceau encore plus efficace. Ca marche super bien (j’aime beaucoup) mais soyons honnêtes, on est loin d’un grand remix. Bon. Et le remix de Tepr, alors ? Ah, oui. Le remix de Tepr. Oh bah là aussi c’est efficace, avec plein de gros beats bien lourdingues, mais c’est plus tellement intéressant. Reste le remix d’Ostend, qui rend le tout atmosphérique et ô combien plus délicat.
Alors, quoi ? Woodkid restera-t-il à jamais l’homme d’une seule chanson, Iron, qu’on continuera d’applaudir à tout jamais ? Va-t-il à construire sa carrière sur ce seul morceau ? L’album qui entourera Run Boy Run réussira-t-il à créer une surprise, bien nécéssaire ? En attendant, l’affaire marche plutôt bien Woodkid, ses (rares) dates se remplissent vite et le succès est incontestable. Mais un matin, le monde risque de se réveiller et de réaliser l’arnaque.
En fait, l’enfant de bois ne serait qu’un pantin.