Terdav Trail World Tour, 32e étape, Léon-Astorga, d'une ville à l'autre...
Publié le 25 mai 2012 par Sylvainbazin
Ce soir, je vous écris d'Astorga. J'avoue être fatigué, et avoir encore chaud de mon effort de la journée lorsque j'entame mon récit. En prime, une dent, que j'avais fait soignée juste avant mon départ, commence à faire des siennes. Le plombage provisoire est parti et le nerf, que mon dentiste avait bien réveillé (cette dent, et trois autres, m'embête périodiquement depuis trois ans. Différents dentistes me les ont soigné et resoigné...celui que j'ai trouvé à Aix m'a l'air sérieux et décidé à aller "jusqu'au bout" mais comme il venait de commencer à intervenir à mon départ, bref je vais devoir gérer ça aussi...)semble bien capricieux. Mais bon, je suis à l'étape et je vais pouvoir bien récupérer, c'est l'essentiel.
Que dire sur mon trajet d'aujourd'hui? On me l'avait promis, je l'avais lu, le paysage si plat et quelque peu désespérant de la Meseta change après Léon... sauf que... pas tout de suite. Il faut encore compté presque 40 kilomètres avant de découvrir les premiers contreforts du massif de Léon, sur le Camino.C'est vous dire si ma matinée fut encore une fois bien longue...
Quitter la belle ville de Léon est cependant bien moins pénible que d'y rentrer. On passe devant de beaux monuments, palais de justice entre autres, avant de rejoindre des rues plus banales mais passables. Un peu de zones commerciales affreuses plus loin, mais guère comparé à hier. Je rejoins au bout de huit kilomètre la terrible nationale 120, qui a englouti sous son bitume une bonne partie du chemin originel, et opte pour la variante "Caminarès del peregrino", plus longue mais qui évite les bords de route. Le "camino", tracé historique, longe en effet cette voie rapide.
Cela dit, la variante n'est tout de même pas réellement réjouissante: les lignes droites succèdent aux lignes droites, à peine interrompues par quelques bosquets, virages, bosses ou villages perdus au milieu de cet immensité. La fatigue que j'ai ressenti hier s'est un peu estompée après un bon repos à Lèon, mais elle est tout de même encore présente. J'avance, mais mon rythme est un peu plus lent. Pourtant, sur ces labours qui semblent infinis, je n'ai pas forcément envie de traîner. Le paysage est d'une platitude et d'une monotonie presque incroyable. A peine un papillon d'une belle couleur jaune, un xylocope butinant un coquelicot, pour distraire mon esprit déséspérement à la recherche d'une beauté pour dialoguer dans cet océan agricole. Ah si, même les canaux et tuyaux d'irrigation me semble être de charmantes et intéressantes animations dans ce paysage surréaliste.
Il fait très chaud. En quittant Léon ce matin, le premier thermomètre croisé indiquait déjà 24°, à l'ombre et à 8h20 du matin. Les martinets et hirondelles avaient d'ailleurs entrepris, haut dans le ciel, leur ronde estivale au-dessus des toits de la cité. Un signe qui ne trompe pas. C'est l'été ici. Dans la vaste plaine, le soleil cuit les pélerins. Je double certains randonneurs assez mal en point. Une vieille dame plus très sûre sur ses bâtons, des japonais écrasés par leurs vêtements trop chauds qui les couvrent de la tête au pied (je ne suis pourtant pas sûr que leur peau soit aussi fragile que cela envers les rayons du soleil!). Je m'accorde donc de petites pauses dans les villages, pour un café, un coca, remplir mon bidon.
Plus tard, après avoir rapidemment avalé en prime un bocadillos (c'est à dire un sandwich) dans un bar perdu de ce coin perdu, j'atteint enfin le pont médiéval de Hospital de Orbigo, sur le Rio Orbigo, le plus beau et le plus long du camino. Franchir ce bel édifice bien restauré me soulage: j'ai enfin fini ma traversée de la Meseta, autant dire ma traversée du désert. Mes pensées, que j'ai concentré, éduqué, discipliné, pour rester dans une saine motivation lors de ce très long passage propre à vous rendre fou, vont à nouveau pouvoir s'évader plus agréablement, aidées en cela par des paysages plus variés, plus riants et plus hospitaliers. C'est aussi, symboliquement, pour moi, comme l'entrée dans la dernière ligne droite de mon parcours vers Compostelle.
Mais cette très légère euphorie, ce soulagement en tous cas, ne dure que quelques instants. Je rejoins certes unpaysage plus valloné et plus varié, mais le soleil y tape dur. Parfois, je suis à deux doooooigts du coup de chaud. heureusement, un vent salvateur vient me rafraîchir.
Mais lorsque j'aperçois enfin les deux tours de la cathédrale d'Astorga, tout au loin dans la descente, après avoir tout de même bu un verre de jus de pêche biologique gentiment offert sur le chemin par une institution de réinsertion locale, je suis bien fatigué. Je descend, en doublant encore un troupeau de mouton et mes dernoers pélerins du jour, vers la ville. Il me reste cependant près de 4 kilomètres plats et rectilignes pour l'atteindre. C'en est presque trop. Je n'avance plus guère, j'ai chaud, je suis vraiment fatigué. En prime, pour franchir la voie ferrée, on nous fait faire tout un détour et passer par une passerelle assez incroyable, qui par des circonvolutions interminables tout en rampes (c'est sans doute conçu pour les fauteuils mais bon, même pour eux je doute que ce soit bien pratique) me fait monter et descendre près de 200 mètres pour une traversée de dix à vol d'oiseau!
Je néglige ensuite le tracé jacquaire pour me concentrer sur les indications qui mènent à mon hostal. Elles me font malheureusemnt contourner la vieille ville, la cathédrale et le palais épiscopal de Gaudi. Je suis quitte pour refaire un tour ce soir... Las, à 200 mètres de l'hostal, je m'arrête au bar du même nom (c'est la même maison) pour boire un jus d'orange. La jeune serveuse est toute contente de discuter en français (elle a repéré mon accent à ma prononciation de "aranxa") car elle vient de rentrer de six mois passés à Valence en tant qu'assitante de langue et a le mal de notre pays... Après cette courte pause, je me traîne jusqu'à l'hostal, où j'ai donc commencé à écrire ce récit, mal en point, tout à l'heure.
Depuis, j'ai eu tout de même le plaisir de goûter à deux belles spécialités locales: le yaourt au miel sauvage, et, comme la bouteille de vin rouge servie avec la demi-pension s'est révélée souveraine pour endormir mon mal de dent (en Espagne, même seul, on vous sert systématiquement une bouteille entière avec le repas... un bon piège!), je retrouve l'énergie pour aller jeter un long coup d'oeil à la cathédrale, au palais de Gaudi (plus sobre tout de m^me que ses oeuvres postérieures) et déguster, dans ce beau décor, les churos au chocolat qui sont la spécialité locale, la vraie, Astorga étant la ville espagnole du chocolat. Vin rouge, chocolat... Corinne, mon amie diététicienne ne serait sans doute pas trop d'accord; mais dans mon état, j'ai l'impression que le corps réclame tellement qu'il synthétise tout dans le bon sens... et puis je suis sec comme un coucou.
Il me faut également du sommeil pour tenter de récupérer, c'est pourquoi je vous quitte sur ces mots, même si ici, personne ne semble dormir: c'est la finale de la coupe du roi, et même si je ne suis pas dans les villes concernées, tout le pays semble retenir son souffle pour l'évènement; coup d'envoi à 22h à la mode espagnole.