Il y a trois moyens de gagner sa vie : être le premier, le plus intelligent ou tricher.
Cette phrase pourrait être le fil directeur du film Margin Call, sorti ce mois en France. Il présente magistralement comment la crise financière s’est déroulée en suivant 48h les employés d’une banque d’investissement de Wall Street.
Le film s’ouvre sur le licenciement d’une grande partie des employés du service de gestion des risques, qui sont convoqués à des entretiens faussement amicaux, où on leur explique qu’ils ont fait du bon travail, mais qu’à cause de la conjoncture économique, la banque se passera de leurs services. L’ancien responsable de la gestion des risques donne à l’un de ses analystes financiers une clé usb qui rassemble des données sur des actifs toxiques que possède la banque avant de quitter les locaux. C’est là que le mécanisme est enclenché. La banque d’investissement n’a que quelques heures pour prendre une décision, tenter de sauver la banque ou semer la zizanie sur les marchés financiers.
L’histoire se déroule dans un huit-clos haletant, servit par des acteurs au talent incroyable. On passe des analystes ou traders fraichement diplômés, et on gravit les échelons de la banque petit à petit. Lors de cette longue nuit, on rencontre le nouveau chef de service (Paul Bettany), totalement cynique qui semble s’intéresser plus aux rémunérations de chaque membre de la banque qu’à son métier, puis le responsable des traders (Kevin Spacey) qui essaye de conserver un certain sens de la moralité malgré sa lâcheté. On continue de grimper dans la hiérarchie jusqu’au PDG de la banque incarné par un Jeremy Irons calme, imperturbable. Son sang-froid, le PDG l’explique rapidement : ce n’est pas la première crise économique et ça ne sera pas la dernière, loin de là. Le monde a survécu aux précédentes, il survivra à celle-ci, car en fait de compte « ce n’est que de l’argent » comme il le dit simplement.
Ce film est criant de vérité, surtout en ce qui concerne les compétences des protagonistes. L’analyste financier était au départ un ingénieur aéronautique sans formation financière qui est là car, honnêtement, la finance paye plus que l’aéronautique. Quant aux dirigeants, ils ont besoin d’explications simples car ils n’y comprennent pas grand chose.
La mise en scène est prenante et même si le film n’apporte rien de nouveau, il évite les clichés sur ce monde, pour rester réaliste, ce qui est déjà un exploit en soi. Deux bémols : certaines parties sont difficiles à comprendre pour les novices en finance et on aurait pu espérer une autre fin, plus explicite.
Manal Hachimi