Chère madame Duflot,
Tout d’abord pardonnez-moi d’avoir écourté en tête de ce billet le titre abscons de votre ministère qui comporte également l’égalité des Territoires. Associer territoires et logements, je trouve ça joli, voire un peu rustique, ça a un petit parfum sauvage qui rappelle l’époque bénie où l’on faisait pipi partout pour faire connaître à son voisin les limites qu’il n’a pas intérêt à franchir sous peine de se faite taillader le museau à coups de silex façon Bogdanov . Certaines espèces font encore ça, (je parle du marquage de territoire, pas des escrocs qui se prennent pour des physiciens juste parce qu’ils ont un visage en quatre dimensions), du moins elles aimeraient le faire si elles avaient un territoire et c’est précisément le sujet de ma missive.
Mais j’y reviendrai, laissez-moi finir les salamalecs d’usage. En premier lieu, j’espère que vous vous êtes bien remise des attaques de basse envergure de Mmes Pécresse et Morano sur le jean que vous arboriez lors de votre nomination. Personnellement, je n’ai rien contre une ministre en jean, d’ailleurs un Président normal devrait pouvoir se trimballer en short et en sandales quand Phoebus cogne comme un sourd à travers notre gruyère d’ozone. Mais de grâce, ne recommencez plus: j’ai perdu l’appétit et le sommeil pendant trois jours quand les médias ont rediffusé l’image de Nadine Morano en cuissardes.
J’espère aussi que vous avez bien récupéré depuis que vous avez vendu EELV au Parti Socialiste. Eussiez-vous vendu Cohn-Bendit et Mamère au Modem, vous auriez fait des économies sur le budget venin du parti, et vous auriez peut-être dépassé les 5% aux présidentielles. Au lieu de quoi, vous héritez d’un ministère frappé du sceau de l’infamie et de la trahison radioactive et où vous allez avaler encore plus de couleuvres que Dominique Voynet qui peut maintenant écrire des traités d’herpétologie (c’est ainsi que l’on nomme la science des reptiles: notez-le, cela pourra vous être utile avec toutes les vipères et les dinosaures qui constituent l’essentiel de vos nouveaux collègues de bureau).
Voilà, maintenant que j’ai pris de vos nouvelles, et que j’ai épuisé ma réserve annuelle de fayotage, venons-en au fait. Comme vous le savez peut-être, je nourris une obsession et depuis que ce webzine me laisse divaguer sans frein dans ses colonnes, je la fais partager à tout le monde, au risque de me mettre à dos nos innombrables lecteurs à travers le monde, et je compte bien continuer jusqu’à obtenir satisfaction: je veux que les bergers foutent la paix aux loups, que les chasseurs se contentent de picoler sans armes, que les jockeys et les toréadors se trouvent un jeu commun où ils pourront mutualiser leur goût pour les costumes ridicules sans nuire aux bêtes, bref qu’on arrête de prendre les animaux pour plus cons qu’un ministre de l’Intérieur. ( notez bien que je ne vise personne; mais si vous croisez le camarade Valls, dites-lui bien qu’il n’y a jamais eu de catastrophe naturelle à Nancy, ils étaient déjà comme ça avant).
Pourquoi vous adressé-je ma complainte, mon indignation, mon courroux à vous, plutôt qu’à la ministre de l’Ecologie, Mme Nicole Bricq? Tout d’abord, Mme Bricq est inspectrice des Finances, et parler de vie avec un inspecteur des Finances, c’est comme parler des Droits de l’Homme à un ministre de l’Intérieur ou parler du jaunissement du papier sous l’effet du temps et des chromophores aldéhydiques à Nadine Morano: c’est peine perdue. D’autre part, j’ai déjà essayé avec une ministre de l’Ecologie, fouillez dans les archives de NKM, elle ne m’a jamais répondu. J’ai même tenté ma chance auprès de la préfète des Vosges, qui s’en tamponne comme de son premier directeur de cabinet. En plus, Hollande a rétrogradé le ministère de l’Ecologie au fin fond de l’ordre protocolaire, car comme tous les Français normaux, le loup il trouve ça joli sur les T-shirts de Johnny Halliday mais c’est tout.
Mais comme vous m’avez souvent bien fait rire avec votre langage fleuri (et l’inoubliable « quand on grimpe au cocotier, il faut avoir une culotte propre » qui vaut tout Confucius, Schopenhauer et Lao-Tseu réunis), et que vous avez plus souvent qu’à votre tour fermé son clapet à Eric Zemmour, j’ai gardé un peu de respect pour vous, et je suis près à vous jeter un paquet de culottes neuves en haut de votre cocotier, et à vous permettre de vous racheter une bonne conscience écolo. Vous l’avez sûrement observé en prenant vos fonctions, votre ministère recouvre en premier lieu l’égalité des territoires.
Or le loup se morfond, et attend fébrilement ma chronique dans son HLM (habitation pour loup maltraité) pendant que le berger se pavane avec ses moutons débiles et ses fromages où même les asticots n’osent se nicher. Voici donc mon plan. L’été approche, et même si vous êtes une novice en application de vaseline législative, vous n’ignorez pas que c’est la période où profitant du fait que le citoyen soit allé se faire griller la couenne au bord de la Méditerrannée en attendant sans conviction qu’un tsunami emporte sa femme et ses enfants pour lui rendre sa liberté, le législateur multiplie les lois scélérates, les cavaliers législatifs bien dissimulés car il ont un goût vestimentaire plus sûr que le jockey ou que Nadine Morano, ou le décret hypocrite pour lequel on peut même se passer du Parlement.
Nous aussi, puisque les troupeaux moutonniers et bergers refusent d’élever leur pensée au-dessus de The Voice ou Koh-Lanta, alors même que tous les pays disposant de forêts commencent à réintroduire les grands carnivores pour réguler les populations d’herbivores qui contribuent à la déforestation juste pour de la laine et des fromages qui semblent digérés avant même d’avoir été mangés, nous aussi, disais-je, profitons de l’hébétude estivale pour avancer nos pions, et imposons sur l’ensemble du pays l’égalité des territoires entre l’animal et l’homme. Aux loups, aux cerfs, aux sangliers, la forêt; pensez à ajouter un dispositif calqué sur la loi SRU obligeant les collectivités territoriales à reboiser au moins 30% de leur superficie. Aux bergers, aux automobilistes intégristes, et aux autres nuisibles cités plus hauts, les quartiers environnant les centrales nucléaires: puisque vous n’avez pas réussi à obtenir leur fermeture, qu’elles aient au moins une utilité en attendant.
Chère Madame la Ministre, j’escompte bien que cette fois ma chroniqe épistolaire ne restera pas sans effet, et que sous peu notre vénérable Nation pourra s’enorgueillir d’avoir rassemblé et réconcilié le loup honni et le Français normal qui veut du changement maintenant.
Veuillez agréer mes salutations immondaines, et la bise à notre compatriote mosellane Aurélie Filipetti, si toutefois elle a cinq minutes entre deux projections au festival de Cannes pour penser à la Mission locale de Woippy et aux Arcelor Mittal.
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