Le concert du groupe emblématique d’Hanovre, Scorpions, était sans doute le rendez-vous le plus attendu de cette édition 2012 de Mawazine. Pour un festival qui n’a pas l’habitude d’accueillir des groupes de rock, et a fortiori encore moins de heavy metal, le pari de Scorpions pouvait se révéler osé. Force est de constater qu’il a été relevé avec brio, tant par le groupe, qui nous livra une performance extraordinaire, que par un public extraordinairement nombreux, mais, au-delà, en parfaite communion avec le groupe.
Le groupe commence le concert par un long instrumental, sur-vitaminé, déjanté, explosif, dans la plus pure tradition du hard rock, ponctué de solos de guitare nerveux et de passages de batteries énergiques. Après cette mise en bouche des plus alléchantes, où l’on peut voir que malgré les années qui passent, la formation de Klaus Meine est toujours aussi débordante d’énergie, le groupe va embrayer sur un titre de leur nouvel album, Sting In The Tail, un morceau court, tout aussi énergique et nerveux. C’est que le groupe semble avoir décidé de nous offrir un concert de haute volée, puissant vocalement et instrumentalement, et de pousser les décibels jusqu’à la limite de l’humainement encaissable.
Mais c’est la volée de chansons qui suit qui verra le public commencer à communier avec le groupe, voire à entrer en transe pour certains. Le groupe va en effet enchaîner trois de ses tubes des années fastes : Tout d’abord, un Make It Real repris et entonné par un public de connaisseurs, qui aura pris plaisir à constater que les années n’ont rien entamé de la capacité vocale de Klaus Meine, ni de la virtuosité de Rudolf Schenker et Matthias Jabs, qui nous ont régalé tout le long du concert de leurs solos uniques en leur genre. C’est ensuite sur Is There Anybody There que va enchainer le groupe, mais surtout sur The Zoo, chanson mythique du groupe, où l’utilisation de la Talkbox de Jabs aura sur le public l’effet escompté.
Surtout, le groupe portera une attention particulière à ne jamais se couper du public, produisant dès lors l’un des concerts les plus interactifs du festival. La scène ayant été augmentée d’un podium pénétrant la foule, les membres du groupes feront sans cesse des allers retours jusqu’à s’approcher à quelques dizaines de centimètres d’un public chauffé à blanc, ponctuant la fin des chansons de « Shûkran » ou de « Come on Rabat ! ». Et dès le début du concert, Klaus Meine ira jeter plusieurs des baguettes du batteur, James Kottak, qui disposait visiblement d’une réserve suffisante pour contenter beaucoup de monde. Le groupe, tout le concert durant, ne fera pas l’économie de ses efforts ni de ses sourires, étonnés, face à un public passionné.
En effet, les titres étaient pour la plupart entonnés en chœur par le public, et pas seulement le refrain. Et à la façon d’un Freddy Mercury, Klaus Meine, jouera avec le public, lui donnant quelques lignes à répéter avec lui, à la fin du tube The Best Is Yet To Come. La chanson, immédiatement suivie d’un des autres grands succès du groupe, Send Me An Angel, restera l’un des moments de la soirée, tant elle a été suivie par la foule immense qui composait le public, plusieurs dizaines de milliers de personnes. La deuxième partie du concert sera résolument rock’n’roll, le groupe partant explorer les profondeurs du hard rock, gras, puissant, déstructuré, voire destructeur lorsque Matthias Jabs aura l’idée de jouer les notes les plus graves de sa guitare, moment unique où l’on sentait la musique en soi, tant notre corps a vibré, obligeant même certaines personnes à se boucher les oreilles pour arrêter de trembler. Car vu la sono de Mawazine, c’est à un véritable raz-de-marée sonore que l’on a assisté pendant ces minutes.
Une énergie que l’on a également pu voir chez James Kottak, le batteur du groupe, une bête de scène, qui nous gratifiera d’un long, long, long solo de batterie, surpuissant, sans concessions, Kottack Attack, tenant le public en haleine, l’haleine de la fin d’un concert pour lequel il ne restait plus que quelques chansons, et, tout le monde le sentait, pas des moindres. La montée en régime amorcée depuis quelques dizaines de minutes touche à sa fin, et à la fin de Big City Nights, tout le monde sent bien que LE moment est venu. Celui que tout le monde attendait, les fans comme les néophytes. Le groupe s’éclipse un moment. Le public crie leur nom, en boucle, de plus en plus fort. Et finalement…
Klaus Meine revient drapé dans un drapeau marocain, et la chanson sans doute la plus légendaire du groupe, celle qui a fait danser depuis des dizaines d’années tant de couples, qui fut témoin des amours de tant et tant de personnes, de part le monde, un hymne sur lequel le temps n’a aucune prise : Still Loving You. Mais c’est sans doute l’autre chanson de légende du groupe qui était le plus attendue par le public de l’OLM Souissi. Plus d’un an et demi après le « printemps arabe », alors que beaucoup portent encore en eux les espoirs d’un Maroc meilleur, d’un changement pour le mieux, quel plus beau symbole que de chanter Wind Of Change, chanson écrite en 1989 à l’occasion de la chute du mur de Berlin, symbole de l’oppression soviétique, et de la chanter à Rabat, en plein monde arabe ? Cette chanson, le public l’a attendue et l’a fait sienne, des drapeaux syriens se sont levés dans la foule, les plus âgés comme les plus jeunes l’ont chanté, privant presque Klaus Meine de son rôle de chanteur. Et pour conclure, une dernière chanson de légende, un riff connu de tous, Rock you like a hurricane. Et c’est bien ce qu’on fait hier Scorpions à Rabat, pour leur dernière tournée, celle qui sonne la fin de la carrière d’un groupe de légende. They rocked like hurricanes.
Nizar (Nizar Idrissi Zouggari)Jeune étudiant en sciences politiques à Rabat. Bloggeur à ses heures perdues. Démocrate permanent. الملقب بالباكستاني
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