L’Homme a la curieuse particularité d’être l’un des rares animaux à être sexuellement opérationnel toute l’année : comprendre par là qu’été comme hiver, qu’il pleuve, neige, fasse soleil, grêle ou vente, le désir ne s’en ressent pas moins (sans doute les nids douillets que sont les maisons y sont-elles pour quelque chose !). Il n’empêche que les études – mais on s’en doute un peu – montrent que le début du printemps (avril-mai) est favorable au désir féminin. Comme d’habitude, ce genre d’études est moins conduite auprès des hommes, dont on imagine (à tort ?) qu’un texto du style “passe chez moi, je t’attends” suffit… Il faut dire les femmes sont sujettes au phénomène de chaleurs, nom assez évocateur lorsque les insectes butinent à nouveau !
Quand les beaux jours reviennent…
En 1989, Philippe Besnard s’est intéressé aux « effets de la ronde annuelle des saisons sur la vie des Français, sur leurs comportements, leurs habitudes, leurs humeurs et leurs désirs », sujet selon lui trop peu étudié et mal connu des sociologues. Dans un ouvrage dédié à l’étude des Mœurs et humeurs des Français au fil des saisons, il passait alors en revue un certain nombre de phénomènes humains et sociaux portant en eux l’empreinte du rythme des saisons et cherchait à en proposer quelques pistes explicatives. Parmi les différents thèmes développés, l’auteur posait son regard sur « la [fameuse !] saison des amours », tentant d’expliquer la répartition saisonnière des naissances en France.
Sur Enfants.com, on peut lire : ”Si les pics de naissances ont toujours existé, ils ont changé et se sont déplacés au fil des siècles, influencés plus par des facteurs sociologiques et historiques que par des paramètres climatiques. C’est que nous révèle une étude* de l’INED, l’Institut national des études démographiques.”
Longtemps, cela fut un fait : les naissances étaient plus fréquentes en hiver. Un savant calcul – devinez lequel – laisse à penser que la belle saison est plus propices aux amours. Mais “belle saison” signifie printemps, pas été : en été, il fait trop chaud (il faut s’économiser)… Et en hiver, trop froid ; il faut garder ses réserves pour lutter contre le frimas hivernal !
Désormais, la contraception biaise ce genre d’études basées sur la date de conception. D’autant que le climat n’est pas le seul facteur entrant en ligne de compte : dans un pays de tradition chrétienne comme la France, la religion avait son mot à dire, les rapports sexuels étant proscrits pendant le Carême et l’Avent (j’ai failli écrire entre : ça aurait fait un peu long…).
Or cette saisonnalité s’amenuise : aux oubliettes les préceptes religieux, les mœurs actuelles rejetant tous les carcans… D’autre part, la plupart des Français prennent leurs vacances en juillet et août, et avec l’avènement des congés payés il y eut un pic de naissances au printemps dû aux retrouvailles estivales. D’autres facteurs sociologiques, comme le cumul des congés maternités et des vacances d’été interviennent ; il n’en empêche que les saisons jouent un rôle naturel dans le désir sexuel…
En phase avec les saisons et les heures
On a tendance à se sentir aussi disponible (pour n’importe quoi) le matin que le soir. Encore que tout le monde a déjà expérimenté le “coup de barre”, et qu’une sieste estivale après le déjeuner ne se refuse pas (voir les villages de Provence, volets fermés, en été…)
Au cours de la journée, les paramètres physico-chimiques de notre corps fluctuent énormément : c’est ce qu’on appelle le rythme circadien. Il se retrouve chez tous les animaux, chez les plantes (redressement des feuilles et ouverture/fermeture des pétales selon l’heure), et même chez les champignons et certaines bactéries. Dans la mesure où l’alternance jour-nuit est commune à toutes les peuplades (sauf polaires), toutes les cultures ont une horloge biologique à peu près semblable :
Rythme circadien de l’Homme : cette horloge biologique est calée sur l’alternance jour/nuit.
Le système parasympathique, ensemble de rameaux nerveux autonomes logés dans la moelle épinière, est responsable de l’éjaculation. Par conséquent, il est également à l’origine de la flaccidité du pénis après l’orgasme, et chez la femme régule l’érection clitoridienne et la sécheresse vaginale (une suractivité parasympathique peut être la cause d’un moindre désir sexuel, voire mener à des “pannes”, voir Le sexe est-il une maladie ?). Or le système parasympathique est davantage actif la nuit, qui n’est donc pas le meilleur moment pour des relations sexuelles d’envergure – si on ose dire – tout au moins prolongées. Bien entendu, il n’y a pas de contre-indication à faire l’amour la nuit (en pleine nuit entendons) ; chacun est libre de faire ce que bon lui semble, d’autant que l’activité parasympathique n’est pas nécessairement prépondérante dans le plaisir ressenti. Si le sport nocturne en chambre devenait une habitude, il ne ferait qu’amoindrir (plus ou moins) la qualité des rapports sexuels (sensation/durée). Cela dit, les choses sont bien faites : tout le monde, ou presque, dort la nuit !
Quant à ces fêtards qui copuleraient au beau milieu de la nuit, le système parasympathique ne se met en pleine route que durant le sommeil : restant éveillé, à la lumière artificielle qui plus est, on peut dire que les relations sexuelles ne sont pas moins intenses qu’à d’autres moments !
Menstruations et désir
Le terme “menstruation” provient du latin mensins : le mois. La périodicité reproductive féminine se réfère aux cycles lunaires, de même durée : 28 jours environ. Si cela semble être une coïncidence, le synonyme “règles” n’en est pas une : une femme réglée (convenablement) a un mode de vie sain, c’est-à-dire une alternance régulière veille/sommeil.
La survenue des règles peut donc être perturbée par les troubles du sommeil, et par là-même l’activité reproductive et le plaisir sexuel. L’équilibre hormonal doit en effet beaucoup à l’alternance entre le nuit et le jour. La sécrétion des hormones varie beaucoup selon le temps ; en particulier la mélatonine et le cortisol sont incriminées dans le rythme biologique.
Or les menstruations ont une implication sur la “santé sexuelle” (si l’on peut dire), un dérèglement hormonal (littéralement) influant parfois sur le désir féminin. Le célèbre psychiatre Krafft-Ebing s’est intéressé à l’aversion sexuelle dès 1886 (pas que cela soit nécessairement une maladie, mais cela peut le devenir). Il ne donne pas de définition mais s’y réfère comme étant des “impedimenta” psychiques, “aversion, dégoût” qui feront que “la sensation de volupté semble rester le plus souvent absente”.
Il est clair que le temps – qui passe ou qu’il fait – influe sur les hormones, or les hormones influent sur le désir sexuel. Par transitivité, le temps influe sur le désir sexuel… Mais cela, on le sait ! Quoi de plus typique que l’amour à la plage ?
Alerte à Malibu totalise en 1996 1,1 milliards de téléspectateurs par semaine ! Un sixième de la population mondiale serait-elle accro aux formes généreuses des sauveteuses et aux pectoraux des sauveteurs ?
Deux hormones-clé
Chez les deux sexes, la mélatonine est une hormone sécrétée par la glande pinéale, non loin de l’hypothalamus, dont une zone, en particulier, s’appelle noyau suprachiasmatique : c’est là que siège notre horloge interne, en plus du thermostat veillant au maintien de la température corporelle.
La mélatonine se retrouve chez tous les mammifères, et même chez diverses algues et plantes : les bananes en sont riches, ainsi que le riz et l’ananas, dans une moindre mesure. C’est une hormone primordiale, où sens où elle régule la sécrétion de la plupart des hormones (c’est une superhormone, en quelque sorte). Elle contrôle entres autres, et indirectement, l’appétit et la glycémie, mais surtout le sommeil.
La mélatonine est synthétisée à partir de la sérotonine, molécule également cruciale dans le psychisme, dérivant elle-même du tryptophane (voir un article évoquant les bienfaits et vertus aphrodisiaques du chocolat).
Un antidépresseur léger utilisé dans le traitement de l’asthénie et des dépressions saisonnières, l’agomélatine, agit d’ailleurs sur les récepteurs à la mélatonine, ainsi que sur ceux à la sérotonine 5-HT2C. Le médicament synchronise le rythme circadien, de même qu’un analogue synthétique de la mélatonine, le rameltéon.
Plusieurs études tendent à prouver que la mélatonine augmenterait la libido masculine, via antagonisme des récepteurs à la sérotonine 5-HT2A. La mélatonine est également un antioxydant, donc anti-vieillissement, au rôle préventif dans ces certains cancers (c’est démontré) : que de bonnes raisons de manger des bananes !
Le cortisol, quant à lui, est tout particulièrement incriminé dans la sensation de stress… Or stress et sexualité ne font pas bon ménage ; comme c’est souvent le cas biologiquement, il y a intrication entre fatigue, stress et désir.
L’étude du rythme circadien, ou nycthéméral quand il désigne l’alternance jour/nuit, est l’objet de la chronobiologie, étude des phénomènes temporels influant sur les êtres vivant (il existe des rythmes plus courts, tel l’infradien et l’ultradien). Le travail de nuit occasionne généralement des troubles du nycthémère, se répercutant sur la santé (stress, fatigue, humeur, douleurs, prise de poids…), donc susceptibles d’induire un manque d’engouement sexuel.
Mais aussi, le rythme biologique est largement influencé par les saisons : il serait abusif de dire que le corps tourne au ralenti en hiver (on n’hiberne pas !), mais nous sommes plus dynamiques à la belle saison (fréquence cardiaques plus rapide) que dans le nuit hivernale, en particulier sur le plan sexuel… Quand les papillons s’accouplent, le corps humain, bouillonnant, est au maximum de ses capacités pour en faire de même !
Papillon sur ce qui ressemble à buddleia, mais qui n’en est pas !
Printemps=soleil(=sexe ?)
Les bienfaits de la lumière sur le psychisme ne sont plus à démontrer. La luminothérapie est même utilisée dans le traitement des dépressions. Si le spleen n’est pas l’apanage de nos latitudes sujettes à l’hiver, il est en revanche plus rare dans les contrées plus ensoleillées. Toute la question est de savoir si la lumière incite au passage à l’acte sexuel, mais il semble bien que oui !
Why don’t you love me, Jenny ? Extrait du film Forest Gump.
Toujours est-il qu’à l’inverse de la plupart des femelles animales, la femme est en chaleur – c’est le terme consacré, à moins qu’on ne préfère parler d’œstrus – pendant une partie bien précise de son cycle, mais disponible sexuellement (quasiment !) tout le temps, de même que l’homme…
La différence réside en ce que l’homme, est moins assujetti aux variations temporelles : sa sexualité n’est carrément pas emprunte d’une dimension temporelle, au sens où il n’ovule pas, et hop, deux semaines plus tard, écoulement de sang. La spermatogenèse se faisant en continu, le mâle de notre (charmante) espèce n’a aucun repère temporel inné : c’est à la culture de lui en inculquer, ou à la femme qu’incombe cette tâche épineuse. Concrètement, cela se traduit pas “pas ce soir…”, signifiant que les femmes sont affectées physiologiquement par les règles (douleurs, fatigue, bouffées de chaleur, bouleversement hormonal), tandis que l’homme est théoriquement aussi ready (comme on dit en bon français) le 1er du mois que le 28 ! D’aucuns n’admettront que l’homme a aussi ses limites physiologiques et qu’il n’est pas une bête de sexe comme on voudrait bien le croire… D’autant que la femme peut jouir plusieurs fois d’affilée, alors que l’homme a une période orgasmique dite réfractaire : il doit attendre un certain temps, parfois long, entre deux éjaculations.
Le terme de “chaleur” n’est pas un hasard : l’activité reproductive est calquée sur les saisons. Même si on a tendance à les dissocier dorénavant, l’activité sexuelle, plus précisément le désir sexuel, est étroitement lié à l’activité reproductive, puisque régulée par des hormones (d’où la possibilité de castration chimique qui atténue les penchants érotiques).
Concernant le plaisir sexuel optimal – si tant est qu’il faille se poser systématiquement la question – de précédentes études scientifiques évoquaient 7h30 du matin, heure à laquelle le corps se trouverait dans les meilleures dispositions, tant chez la femme que chez l’homme (taux maximal de testostérone, d’où la vigueur des érections matinales). Une étude récemment parue dans le Women’s Health Magazine démontrerait cependant que les femmes en ont le plus envie le samedi soir vers 23h00. Qui dit jour précis, dit influence socioculturelle… A bon entendeur, salut !