Espace et lumière

Publié le 25 mai 2012 par Marc Lenot

Il est parfois des expositions à propos desquelles, les visitant, on hésite à écrire, n'étant pas sûr d'être convaincu, ou pertinent, ou éloquent. C'était le cas ce jour-là, où une des trois installations annoncées n'était pas accessible (à la veille de l'ouverture au public, derniers réglages) et où je n'étais pas certain de savoir distinguer suffisamment ce travail d'autres de la même mouvance. Et puis l'artiste est arrivé, en salopette de travail blanche, gants de travail à la main, masque de protection anti-poussière tout juste ôté, cheveux blancs un peu fous, moustache et teint de pionnier du Nouveau-Mexique, délaissant quelques instants lesdits derniers réglages pour répondre, timide et rugueux, à quelques questions, lui qui d'ordinaire s'y refuse, lui qui, depuis plus de quarante ans, s'est bâti une réputation d'ours mal léché, exigeant et péremptoire, perfectionniste et peu enclin à l'indulgence. Et nous avons tous fondu.

Les installations de lumière de Doug Wheeler au FRAC Lorraine (jusqu'au 11 novembre) ne peuvent guère se décrire, sinon par l'expérience qu'on y vit, affrontant l'espace et la lumière. Des exégètes vous diront en quoi elles se distinguent de celles de Robert Irwin et de James Turrell, sans doute moins de théâtralité, de spectacle : ici le dispositif est visible, ici on ne cherche pas à faire illusion, mais à offrir une expérience dont chaque détail est pensé, comme cette quasi imperceptible pente du plancher afin que l'avancée vers la lumière se heurte à une légère résistance et que le corps stoppe de ce fait exactement à la bonne distance. Ici se sent pleinement l'influence du désert, de sa lumière et de son espace.

Ce qui est frappant (et explique sans doute la moindre notoriété de Wheeler), c'est que ces pièces ont été conçues à la fin des années 1960, mais n'ont été réalisées, avec moult améliorations, que depuis 2000. Le travail de l'artiste a comme été congelé pendant plus de trente ans, entre son refus d'un certain marché, de certains galeristes, et les aléas de la collection Panza, le comte ayant été son plus fidèle collectionneur, mais n'ayant pas réalisé ses pièces. Et c'est aussi cette histoire là qui est passionnante, ce réveil, ce retour. Lire les interviews et textes mentionnés ici, en particulier Tyler Green. C'est sa première exposition monographique en France, tout à fait pertinente dans ce Frac qui s'interroge sur le refus du visible, de l'évident, mais il était déjà là, si d'aucuns se souviennent.

Photo : Doug Wheeler, 68 VEN MCASD 11, 1968/2011 : 548.6 x 1,036.3 cm Vue de l’exposition Phenomenal : California Light, Space, Surface Museum of Contemporary Art, San Diego 24 Septembre, 2011 – 22 Janvier, 2012 Photo : Philipp Scholz Rittermann © 2012 Doug Wheeler.
Voyage à l'invitation du FRAC Lorraine et du Centre Pompidou Metz.