A battre mon cœur s’est remis (les nerfs à vif)

Par Borokoff

A propos de De rouille et d’os de Jacques Audiard 

Marion Cotillard

Dans le Nord de la France, Ali (Matthias Schoenaerts, vu dans Bullhead) galère et décide subitement de tout quitter pour aller habiter avec son fils chez sa sœur à Antibes. A Cannes, où il a trouvé un boulot de videur dans une boite de nuit, il rencontre Stéphanie (Marion Cotillard), belle, insolente, et dresseuse d’orques au Marineland. Après un grave accident de travail au cours duquel elle perd ses deux jambes, Stéphanie rappelle Ali. La relation physique intense qu’ils entament lui redonne peu à peu vie et confiance en elle, d’autant qu’Ali ne fait part d’aucune pitié comme d’aucune compassion. Mais alors que la jeune femme commence à avoir des sentiments pour Ali, celui-ci multiplie les conquêtes et continue de mener une existence butée, sans remise en question. Jusqu’au jour où se produit un nouveau drame…

De rouille et d’os est librement inspiré d’un recueil de nouvelles de l’écrivain canadien Craig Davidson, Rust and Bone (rouille et os), publié en 2005.

Sixième long-métrage de Jacques Audiard, il consiste en un double portrait d’êtres en apparence aux antipodes mais dont la rencontre fortuite va déboucher sur une relation passionnelle, à la fois fusionnelle et amicale.

Matthias Schoenaerts

La manière avec laquelle Audiard parvient à décrire en parallèle l’évolution de Stéphanie et d’Ali (Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts sont parfaits) est ce qu’il y a de plus remarquable dans le film. Les destins d’Ali et de Stéphanie vont connaitre des trajectoires croisées.

Stéphanie, la trentaine, est resplendissante, sûre d’elle au début du film. Elle a les hommes à ses pieds. Elle aime être séduite, au centre des regards, des attentions. Elle s’ennuie lorsqu’on tombe amoureux d’elle. Ali est un monstre physique. Brut(e), au sens propre comme au sens figuré, il participe à des combats à mains nues, interdits par la loi, pour se faire de l’argent de poche.

Sa rencontre avec Stéphanie ne semble rien changer à son quotidien. Il lui fait l’amour, comme à d’autres, travaille comme gardien de nuit, l’emmène se baigner à la mer.

A son contact, la jeune femme revit, elle dont la peine et le désespoir semblaient sans fond. Mais Ali ne semble pas y prendre attention. D’ailleurs, à quoi fait-il attention, si ce n’est à lui-même et à ses problèmes matériels ?

Miné par l’existence précaire qu’il mène chez sa sœur avec un fils dont il ne sait que faire, Ali refuse de voir la réalité en face et fuit.

Violent, mais gentil dans le fond, il va peu à peu se renfermer sur lui-même. Il rejettera Stéphanie quand elle voudra le mettre face à ses contradictions, mais sa carapace s’effrite et craquelle de plus en plus, Ali explosant même dans un final poignant, une confession à vif dont Audiard a le secret et l’acteur belge le talent pour l’interpréter.

Mais il y a des éléments nouveaux dans son cinéma, des effets de style, des formes que l’on n’avait pas vus avant ou auxquels on faisait moins attention. C’est le mouvement au ralenti de deux orques plongeant  de manière synchronisée dans l’eau, c’est l’attention portée aux rayons du soleil qui filtre à travers un grillage ou les poutres d’un toit dans une cour et viennent baigner le visage en larmes d’une Stéphanie qui cherche justement désespérément la lumière.

Stéphanie et Ali se battent d’abord pour s’en sortir. Leur courage et leur énergie sont sans limites et Audiard semble une nouvelle fois dire en creux que c’est toujours la vie qui l’emporte malgré le poids des drames et des tragédies.

Mais au côté très organique de ses films, à la tension extrême de ses personnages et de de sa mise en scène vient s’ajouter une dimension plus solaire cette fois, plus mystique presque. Comme si Audiard cherchait constamment un équilibre parfait, la maitrise absolue de son sujet. Et à fabriquer pour son objet un écrin étincelant…

http://www.youtube.com/watch?v=xWbeNcscfsI

Film français de Jacques Audiard avec Marion Cotillard, Matthias Schoenaerts,  Céline Sallette, Bouli Lanners (01 h 55).

Scénario de Jacques Audiard et Thomas Bidegain d’après l’œuvre de Craig Davidson :

Mise en scène :

Acteurs : 

Dialogues :

Compositions d’Alexandre Desplat :