Il y a deux mois, quelques semaines, on nous disait encore que tout ou presque était réglé. Il n'en était rien. Un mini-sommet européen se tenait ce mercredi soir. Le menu était chargé, presque trop lourd. Comme si rien n'avait changé depuis deux ans. La Grèce menaçait de sombrer, l'Allemagne n'était plus aussi convaincue qu'il faille encore l'aider davantage. La spéculation reprenait.
Mercredi,
François Hollande n'a pas pris Air Sarko One. Le gigantesque avion
commandé par Sarkozy est resté au parking. Le président français a pris
le train, avec son homologue espagnol, pour rejoindre un sommet européen
informel.
L'Allemagne s'accroche à sa rigueur.
D'aucuns la qualifient d'austérité. Angela Merkel est apparue isolée sur cette ligne. Elle refuse encore les euro-obligations proposées par l'équipe Hollande. La chancelière pouvait se satisfaire d'emprunter à des taux historiquement bas: jeudi, l'Etat fédéral a emprunté 4,6 milliards d'euros à 2 ans à ... zéro. Le même jour,
la Bundesbank a déconseillé tout assouplissement des conditions
d'emprunts de la Grèce auprès de ses créanciers, y préférant même
l'arrêt du versement des aides européennes et internationales.
Même au sein de la CDU, la position de Merkel ne fait pas l'unanimité. Ainsi, Günther Oettinger, commissaire européen en charge de l'Energie, et ancien collègue d'Angela Merkel à la CDU, a appelé « toutes les parties à ne pas s'opposer par principe aux
euro-obligations», soutenues par la France.
Depuis mardi, les Bourses européennes ont été à nouveau secouées, par crainte d'une sortie de la Grèce de la zone euro. La monnaie européenne est tombée à moins de 1,26 dollar, revenant à son niveau de l'été
2010.
Le naufrage qui menace la Grèce menace l'euro.
La Grèce est sans gouvernement depuis bientôt un mois et l'échec à constituer une nouvelle majorité après les élections législatives du 6 mai dernier. Avant le sommet, quelques responsables de l'eurogroupe avaient suggéré aux gouvernements de la zone euro de préparer des plans de secours. Sauve qui peut ?
Nicolas Sarkozy nous avait habitué à des rencontres internationales
scénarisées comme des duels au soleil. Il aimait lancer des
ultimatums, à chaque fois, « on allait voir ce qu'on allait voir ». Le temps aidant, on avait compris qu'il brassait plus de vent avec ses bras qu'autre chose. De surcroît, l'ancien monarque comprenait peu la chose économique.
Depuis vendredi, François Hollande a montré sa différence. Puisse-t-elle tenir et être plus efficace que les ultimatums sarkozyens!
Face à la position allemande, le gouvernement français a d'abord voulu rassurer. Lundi, le tout nouveau ministre des finances et de l'économie Pierre Moscovici a rencontré préventivement son homologue allemand Wolfgang Schäuble. Pour mieux rappeler, même s'il y a désaccord sur la sortie de crise, la promesse de « ramener le déficit à 3 % en 2013, de présenter
une loi qui dira comment atteindre le retour à l’équilibre en 2017 ». Après les caricatures sarkozystes pendant la campagne, il fallait rassurer.
Ensuite, François Hollande voulait faire émerger le plus de solutions de croissance possibles. Mercredi à Bruxelles, Hollande promit d' «envoyer des signaux à la Grèce », des signaux de solidarité: « la zone euro doit montrer qu'elle est en mesure de soutenir la Grèce. » L'objectif était de « de mettre toutes les propositions de croissance sur la table ». Et d'ajouter: « ce qui pourrait être de bon augure, c'est que nous
mettions sur la table de ce Conseil tout ce que
nous pensons qui puisse relever le niveau de la croissance». Mercredi soir, après 9 heures de discussions, même Angela Merkel a du reconnaître qu'il ne fallait pas abandonner la Grèce hors de la zone euro.
Enfin, il s'agissait de constituer un front commun avec un maximum d'autres partenaires européens. La démarche a d'abord reçu l'assentiment d'Herman von Rompuy, le fade président de l'Union Européenne. Puis Hollande s'est attaché le soutien de l'Espagne, de l'Italie, et même du Royaume Uni. Lors d'une conférence de presse avec le premier ministre espagnol Rajoy, le président Hollande a prévenu: « la France et l'Espagne partagent l'idée qu'il faut mettre de la
liquidité dans le système financier européen et faire en sorte que
toutes les banques européennes puissent être consolidées. Le rôle de la Banque Centrale Européenne fera partie des discussions
des prochaines semaines, sur la croissance et les liquidités ». Et encore: « il ne peut pas y avoir simplement une
dimension budgétaire qui a été celle choisie à travers le traité que
vous connaissez (...) mais nous devons y ajouter un pacte de croissance
et aussi un engagement à moyen terme, les Européens doivent savoir où
l'Europe va, il doit y avoir une direction politique ».
Mercredi soir, la position française était à peine majoritaire. L eprochain sommet est pour le 28 juin, après les élections législatives grecques et françaises. Il n'y eut aucun communiqué de victoire, mais un simple état des lieux. Même le Figaro loua la « franchise apparente qui tranche avec celle de nombre de ses prédécesseurs » manifestée par François Hollande lors de sa conférence de presse. Ce dernier avait reconnu que l'Allemagne restait son plus fort opposant, et, concernant les euro-bonds qu'il défend, que « des pays sont totalement hostiles et que d'autres ne l'envisagent qu'à très long terme». «pour l'Allemagne, les eurobonds sont un point d'aboutissement ; pour nous Français, c'est un point de départ».
Jeudi, l'agence Moody's affirmait maintenir le Triple A français, quelques heures après que Jean-Marc Ayrault ait annoncé que le décret du retour de la retraite à 60 ans pour celles et ceux ayant cotisé leur 41 annuités entre 18 et 20 ans serait promulgué d'ici 3 semaines.
Un pied de nez supplémentaire à celles et ceux qui promettaient l'enfer financier à la France si François Hollande était élu.